Smaida Greizi Nakamiba

Oyaarss

Ad Noiseam – 2012
par Bastien, le 26 février 2013
9

Il y a de ces albums que l'on découvre par hasard et qui dès la première écoute deviennent des disques de chevet. Cet album de Oyaarss est clairement de cette trempe, une droite savamment placée dans le foie. Producteur quasi inconnu, Oyaarss n'est pas signé sur un obscur label de Riga mais sur le très respecté label Ad Noiseam. De manière triviale, on pourrait décrire le son d'Oyaarss comme du drone, du noise et du modern classical. Mais cela serait faire peu de cas de la compléxité et du caractère unique de cette pépite. Réduire Oyaarss à un bidouilleur de musique expérimentale serait tout aussi faux et inapproprié. Le producteur letton nous fait découvrir autre chose: au-delà brutalité primaire du son, une sensibilité se fait jour.

Album au nom imprononçable, Smaida Greizi Nakamiba se décompose en 9 morceaux, tous savamment agencés pour donner une unité et permettre à cette fresque musicale de se déployer. Entre le morceau d'ouverture "Smaida Greizi Nakamiba" d'une violence outrancière, la montée suffocante post-rock/IDM de "Nazabeistis", les sanglots de "Bads esmu esi" et le final sous forme d'apothéose de "Laimigas beigas", c'est toute une palette d'émotions qui est ici déployée. La colère, la tristesse, la déception mais aussi la contemplation s'entremêlent tour à tour pour saper les dernières résistances de l'auditeur.

Smaida Greizi Nakamiba est la mise sous forme sonore du chaos et de la désolation. Ce disque cinématographique offre à l'auditeur une plongée dans les ruines post-apocalyptiques d'une ville. Une tension insoutenable parcourt tout l'album. Insidieusement, l'affect prend le pas sur la simple écoute musicale. L'auditeur devient un simple spectateur et s'abandonne à ces visions de villes détruites. Le monde construit par Oyaarss nous dévoile un univers où l'homme a disparu. Restent des souvenirs, des vestiges et de la souffrance. Toute l'alchimie de Smaida Greizi Nakamiba tient alors dans la capacité à tourner la brutalité et la rugosité des sons en un ensemble sensible et subtil, ce qui, vu la déflagration provoquée à chaque kick, n’était pas gagné.

Oyaarss nous offre avant tout un album qui se vit plus qu'il ne s'écoute, mais c'est bien toute la maîtrise musicale de l'artiste qui permet à cet album de nous faire vivre tant de choses. A chaque moment, la forme sert le fond pour nous offrir un très grand disque.