Slaughterhouse
Ty Segall Band
Je m’étais levé avec un putain de mal de tête et pas mal de reste de biture de la veille. Ca cognait sec dans ma caboche et j’étais bien heureux qu’il pleuve dehors. Je préférais à ces saloperies de rayons UV qui me transperceraient la rétine la mitraille de ces gouttes de plomb qui donnaient l’impression de vouloir fracasser ma vitre. Mon café chauffait dans un ballet de bulles de goudron tandis que j’apprenais le décès du claviériste de Deep Purple. Putain, je n’avais plus repensé au « heavy » des années 70 depuis ce jour où j’avais écouté Slaughterhouse. C’était il y a... une semaine.
Il faut dire que le Ty s’était donné beaucoup de mal pour accoucher d’un album qui te tombe dessus comme une grève sauvage, avec les odeurs de pneu cramé et les cris bestiaux. Rien que le fait d’y penser renforçait cette sensation de trou noir qui me bouffait le melon depuis que j’avais posé le pied hors du lit. Le souvenir des guitares poisseuses qui suintent le sang de chauve-souris et les sciences occultes me faisait transpirer sec. L’expression « musique du Diable » prenait tout son sens et l’album était bien loin de Hair, cut-up psychédélique commis avec White Fence il y a quelques mois.
Ty Seagall s’était ici adjoint les services de ses potes Emily Rose Epstein, Charlie Moothart et Mikal Cronin. Les quatre du Ty Segall Band débarquaient comme les cavaliers de l’Apocalypse et leurs chevaux pissaient de la merde. L’album se respirait plus qu’il ne s’écoute, les naseaux sous le niveau de la marée noire. L’hydrocarbure s’occupait de vous remplir la moindre alvéole d’air sain qui reste dans votre organisme dans le seul but de vous polluer l’esprit et de vous infliger des visions de messes sataniques. Tony Iommi en bure en train de rejouer l’intro de "21st Century Schizoid Man" du Roi Pourpre étouffé par sa propre cape de velours. Les cadavres purulents et pestiférés de Bo Didley et de Fred Neil ressortant des flots poisseux de Slaughterhouse avec une version peau de crapaud assourdissante de "The Bag I'm In" et "Diddy Wah Diddy". Le mec poussait même le vice jusqu’à reprendre ses propres morceaux avec un "Oh Mary" qui, sur l’instant, m’a fait pleurer des larmes de fuel.
Tout ça me filait de plus en plus la gerbe mais je dois avouer que j’étais fasciné par ce gros son. Je suais à grosses goutes et mes jambes se dérobaient sous moi, incapables de supporter un poids décuplé par l’épaisseur d'un sang qui virait au marron. J’avais envie de me repasser l’album. Il fallait que je repeigne les murs couleur nuit corbeau, ça m’aiderait peut-être à ne plus avoir l’impression que des doigts crochus tentaient de me passer à travers les orbites oculaires.
Je suis resté là, frissonnant dans la pénombre de ma cuisine pendant près de 30 minutes, à bouffer les restes de charognes sur la carcasse toxique d’Ozzy avant d’être pris de violent maux de ventre. J’avais l’impression d’avoir un kilo d’asticots qui me rongeaient les intestins, un peu comme quand j’écoute Metal Machine Music! "Fuzz War", dernier titre de Slaughterhouse, ranimait au plus profond de moi la théorie des fréquences sombres et sonnait comme mes entrailles en ce moment, c'est-à-dire un peu trop détendu du slip. Onze longues minutes de guitares qui s'épanchent mollement. Franchement, terminer un si bon album comme ça, ça fait chier!