Skying

The Horrors

XL Recordings – 2011
par Serge, le 7 juillet 2011
6

The Horrors, on commence à connaître. Cerner leur petit jeu. Comprendre que ces mecs sont peut-être bien davantage les plus gros générateurs d'esbroufe de ces cinq dernières années qu'un groupe au potentiel énorme. Garage et brutaux sur leur premier album, lyriques et new-wave sur le second, parés pour les stades avec celui-ci, le groupe donne au plus grand nombre cette illusion d'être une bande de petits malins chez qui le métier entre à chaque nouvelle sortie. Partis d'un rock pour le moins basique, voire carrément frimeur, le storytelling les fait passer pour de vilains crapauds malhabiles devenant chaque jour un peu plus princes post-gothiques et chaque jour capables d'élucubrations de plus en plus élaborées. Il y aurait comme une quête chez The Horrors, celle d'une perfection musicale charriant 35 ans d'influences hors cadre (crooners hantés, new-wave, rock goth, krautrock, electro...). Aboutir à une chanson-monde, un album indémodable, un gigantesque coup de boule qui assommerait critiques, industrie, kids, vioques, fans de pop, alternos. Il y aurait comme une motivation très ambitieuse, être U2. La volonté de régner sur les stades en y imposant sa propre vision de la musique. Mais la vision de la musique de The Horrors n'est vraiment pas celle du grand-public. Noble mission donc.

Seulement voilà, en pensant de cette façon, on applique à des coulisses dont on ne sait rien un scénario de télé-réalité. L'époque a besoin de héros et The Horrors, avec leurs poses chaudasses, leurs (souvent) formidables influences et leurs occasionnels éclairs de génie, seraient de bien parfaits candidats pour représenter une alternative crédible à la daube en pot qui déferle sur les ondes. Si on se met en tête d'aimer les gens pour ce qu'ils sont et non pour leur éventuel potentiel, force est toutefois de constater qu'avec trois albums, une poignée de singles et quelques side-projects ramenards, les chevelus britanniques ont en fait surtout démontré un certain don d'imitation, de conceptualisation et de tapage plus qu'une habileté à produire des chansons solidement construites. Brouillon, le bouillon fait généralement primer le son, l'énergie et les ambiances. The Horrors, peut-être sans s'en rendre compte, pratiquent une musique basée non pas sur la composition mais sur les stimuli. Comme la techno, comme les hippies. Décortiqués, que reste-t-il des disques de The Horrors ? D'abord, des sensations brutes et/ou planantes. Ensuite, l'impression de sympatoches pastiches des Lords of The New Church et de Joy Division sur les deux albums précédents, d'Interpol avec de meilleurs sons de synthés sur celui-ci. Bref, fondamentalement, de la série B.

Album de transition plus que de renouveau, Skying n'échappe pas à la règle d'autant moins que l'évidence est désormais flagrante : il serait très étonnant que le groupe arrive un jour à s'emparer des foules sans se renier. Sans se perdre. Tout simplement consternant aux premières écoutes, le disque apparaît dans un premier temps comme partagé entre downtempos bien pourris avec refrains grandiloquents à la Simple Minds et rocks tendus de qualité standard comme en pratiquent la plupart des Fils de Joy Division. A l'écoute de ce machin, gagnant toutefois un peu de sympathie sur la longueur, on comprend surtout que The Horrors n'est pas un groupe qui s'améliore ou se cherche. The Horrors, tout comme LCD Soundsystem dans un autre genre, est un groupe depuis le départ sans réelle personnalité, dont l'art consiste essentiellement à recracher à sa façon les disques écoutés et chéris par ses membres ou alors étudiés dans un but davantage vénal. Piocher un son chez untel, une idée chez tel autre et mixer le tout comme le feraient des dj's. Pourquoi pas ? La recette leur a déjà permis d'accoucher d'au moins un monument, le formidable "Sea within a Sea", il y a deux ans. Ici, mis à part quelques instants donnant envie de lever le poing ("Endless Blue", surtout), on a quoi qu'il en soit principalement l'impression d'écouter un groupe qui pourrait très bien très vite se vautrer pour de bon, devenir le Placebo des années 10, ne plus débiner que de l'émo planant à gros grumeaux pour vioques écoutant la radio dans les embouteillages. On y est presque. Pas encore mais presque. Autant dire que le duo avec Charlotte Gainsbourg leur pend aux nez.

Le goût des autres :
7 Laurent 8 Amaury L