Sink Along

ECHT!

Sdban Records – 2023
par Antoine G, le 23 juin 2023
8

Voilà comment confirmer son talent en beauté. Après un EP, un album, et surtout des lives impressionnants, ECHT! vient s'imposer comme figure de proue du nouveau jazz belge. C'est que la formule « techno live » qui offre un nouveau souffle au jazz n'existe pas qu'à Londres : elle se porte remarquablement bien à Bruxelles. Qu'il s'agisse de TukanCommander Spoon (avec qui ECHT! partage d'ailleurs son guitariste) ou Jean-Paul Groove, c'est bien un véritable « brussels sound » qui se définit, avec une véritable scène structurée, solidaire et passionnante.

Et de tout ça, ECHT! est le catalyseur. Celles et ceux qui les ont vus à leur release party lors des Nuits Bota début mai n'ont pas besoin de plus pour être convaincu·e·s. Pour les autres, une écoute de leur deuxième album devrait suffire. Inspiré des pionniers flamands de STUFF. (et de leur dérivé explosif Lander & Andriaan), le groupe y approfondit sa formule entre trap et IDM composée sans le moindre séquenceur ni matériel électronique. C'est parfois dur à croire, mais cet énorme son façon Hudson Mohwake est entièrement joué de manière analogique, à grand renfort de pédales d'effet et de bricolage méticuleux. Quant à savoir ce qu'il reste de jazz là-dedans, c'est une question largement secondaire.

Sink Along est un album qui s'écoute en deux temps. D'abord pour savourer l'enchaînement de bangers lourds au groove monstrueux. Qu'on soit en peak time (« Cheesecake »), en pleine redescente (« Choukes ») ou dans un délire brumeux pour défoncer le fond de club (les basses monstrueuses de « Bryan Brains »), il y a toujours quelque chose qui vient titiller les jambes et briser la nuque sur cet album. Mais l'écoute suivante permet de saisir l'incroyable travail de fond qui soutient le tout. Car ces quatre musiciens sont plus que des perfectionnistes : ce sont des obsessionnels du son. Chaque titre offre ainsi une multitude de détails et de trouvailles maniaques qui donnent au disque un aspect ludique, tout en lui amenant une vraie profondeur.

On est ici loin d'un simple enchaînement de gimmicks : la matière sonore est toujours élaborée dans des morceaux construits et inventifs. Au-delà de l'éloge à la créativité et au bricolage (mais aussi à l'entraide via le clin d'oeil de « Vault-A » au Volta, lieu de répétition où gravite toute la scène musicale de Bruxelles), inhérents à leur démarche, on y trouve aussi un univers nocturne cohérent de bout en bout. Si Kraftwerk cherchait l'humain dans la machine, ECHT! cherche la machine dans l'humain. Et c'est justement cette artificialité du geste qui révèle ce qu'il y a d'humain dans ce genre de musique. C'est là que la formation a parfaitement compris ses références, pour les resservir avec une vision propre sur ce sentiment ambigu, de flottement, de mélancolie et de pure énergie. Au-delà des moments qui cognent, c'est bien dans ceux suspendus que le groupe déploie le mieux sa maîtrise artistique. Et s'impose naturellement en ambassadeur pour tout un pays.

Le goût des autres :