Sing in a World that's Falling Apart

The Black Lips

Fire Records – 2020
par Gwen, le 22 janvier 2020
6

Il s’est écoulé pratiquement 9 ans depuis la dernière fois où nous nous sommes penchés sur un album des Black Lips. Il s’agissait de Arabia Mountain et la simple annonce de leur collaboration avec Mark « the hitmaker » Ronson avait suscité notre curiosité, voire notre inquiétude. On craignait alors que le groupe ne brade sa réputation durement acquise dans le fond du caniveau contre quelques passages supplémentaires sur la bande FM - même si, faut-il le reconnaître, une plus large exposition aurait été amplement méritée. 

Mais il n’en fut rien. Après quelques remplacements de joueurs, nos desperados du garage-rock ont poursuivi leur errance tout en conservant leurs bonnes habitudes de mauvais garçons, enchaînant deux autres sorties avec les coups de main de Patrick Carney (Underneath the Rainbow en 2013) et Sean Lennon (Satan’s Graffiti or God’s Art ? en 2017). 

Si on a pris tellement de temps à rouvrir leur dossier, ce n’est pas parce qu’ils avaient cessé de nous divertir mais plutôt parce qu’on n’envisageait plus de réelle évolution de leur part. Cela fait presque 20 ans que les Black Lips décochent des flèches de moins 3 minutes – un certain nombre de perles, pas mal de remplissage fumeux mais souvent efficace – qu’ils défendent lors de prestations suffisamment chaotiques que pour nous donner envie de leur rendre visite à intervalles réguliers. Finalement, leur constance dans le désordre a quelque chose d’assez réconfortant. Et puis la rumeur a circulé que la troupe avait décidé de changer de pataugeoire. 

Ce neuvième album est donc un album de country. Pour être honnête, on aurait été davantage surpris s’ils nous avaient préparé une compilation dancehall. Les mecs ne sont rien de plus que des déserteurs en provenance de Georgie, des purs sudistes déjà plus ou moins rompus à l’exercice et tentés par un retour aux sources. Il n’y a ici aucune intention de tirer parti de la résurgence du genre et de ses poussées notables du côté de la pop.

Rarement dans la demi-mesure, les Black Lips entreprennent donc d’envahir la taverne du coin en total attirail honky tonk. Parfois, ça se passe bien. L’ouverture "Hooker Jon" accompagnera impeccablement votre tour à dos de taureau mécanique et "Rumbler" ne laissera aucun braillard sur le carreau. Lorsque Cole Alexander, en duo avec son taux d’alcoolémie stratosphérique, marmonne « I'm tired of being rude, ticked off drunk and crude » sur le titre "Gentleman", on a bien du mal à ne pas le croire et on se retient tout juste de lui filer un câlin. Comment soupçonner leurs histoires de losers magnifiques de manquer de sincérité ?

Le reste du temps, ils ont tendance à se montrer un peu trop indulgents envers des guitares accordées à la pelle. L’hommage vire alors à la parodie involontaire - ou intentionnelle ? - plus ennuyeuse que véritablement amusante. On revient une nouvelle fois à ce quota insatisfaisant d’environ quatre belles pièces pour une huitaine de semi-déceptions - ou semi-réussites pour les optimistes. Difficile de savoir si les Black Lips comptent exploiter ce même filon à l’avenir (notre instinct nous dit qu’ils l’ont sans doute déjà épuisé) mais quoi qu’il arrive, le résultat continuera de remplir sa mission sur scène et on continuera dès lors de prendre de leurs nouvelles.