shut the fuck up talking to me
Zack Fox
La scène date de juin 2019 et on ne s’en lasse pas : lors de la première saison de son émission The Cave, le producteur Kenny Beats invite le joyeux drille Zack Fox avec qui il vient de sortir un banger sobrement intitulé « Square Up ». On connaissait son humour ravageur sur Twitter, mais on ne s’attendait tout de même pas à ça : feignant d'être mort bourré, l’énergumène enregistre la bite à l’air un morceau sans queue ni tête. Les énormités qu’il délivre rivalisent tellement d'absurdité entre elles que sa prestation devient virale et oblige Kenny Beats à publier cette pépite sur Spotify. Deux ans plus tard, ce morceau cumule plus de 36 millions d’écoutes.
L’occasion était parfaite pour capitaliser sur ce buzz et envoyer rapidement une première mixtape comme n’hésitent pas à le faire d’autres jeunes rappeurs en quête de clout. Mais Zack Fox a préféré prendre le temps de sortir quelques singles, comme le très militant « The Bean Kicked In ». Car Zack Fox n’est pas comme les autres jeunes rappeurs : d’abord à bientôt 31 ans il n’est plus si jeune que cela, et ensuite il n’est pas vraiment rappeur. Avant cette nouvelle carrière dans le rap, Zack Fox était en effet déjà connu comme humoriste, graphiste et réalisateur de clips. On le savait proche de Thundercat, Flying Lotus et de tout le collectif Awful Records, et il avait même eu l’occasion de revêtir la casquette de A/R pour le média Genius. Par ses différentes apparitions publiques on a pu progressivement déceler ses goûts musicaux qui, même s’ils témoignaient d’une culture assez éclectique, fleurent bon le crunk et le dirty south du début des années 2000 - entendez par-là des hymnes à la castagne comme « Knuck If You Buck » de Crime Mob. Ajoutez-y une fascination pour le rap libidineux de Lil B et vous obtiendrez probablement quelque chose d’aussi déjanté que festif.
On ne va pas faire durer le suspense plus longtemps : ce mélange entre énergie frappadingue et shit-talking correspond à merveille au projet que nous savourons à l’arrivée. Sur des excellentes prods signées par quelques pontes de l’industrie comme The Alchemist, l’album ressemble fort à ce genre de dessin animé où le méchant est à mourir de rire tellement son antipathie semble surjouée. Zack Fox s’énerve pour un rien et menace en permanence de péter des gueules ou de faire du sexe. Et même lorsqu’il a suffisamment roulé des épaules pour enfin décrocher l’occasion d’assouvir sa passion pour la bagatelle, il finit par faire la moue en éconduisant les donzelles qui s’étaient éprises de lui (« get off my dick » produit par ce diable de Kenny Beats).
C’est dans cet état d’esprit qu’il faut recevoir ce projet, comme un défouloir enregistré en quelques jours et qui mérite d’être écouté entre potes, avec des frites bien grasses dans le bedon et plusieurs bières dans le gosier. Certes, certaines phases tombent parfois à plat, son écriture n’est pas toujours ciselée et ses blagues ne s’enchainent pas avec la même précision de métronome que ses collègues Rio Da Yung OG et Bfb Da Packman. Mais c’est précisément pour cette énergie pas toujours bien canalisée et ce grain de folie générateur de fulgurances que le projet vaut le détour. Et tant pis si il est imparfait.