Sholi
Sholi
Quand Quaterstick Records annonce une nouvelle signature, mieux vaut être aux aguets. Eux qui n'ont jamais su garder leurs artistes bien longtemps ont tout de même, en presque 20 ans, déniché et mis en avant des groupes aussi variés et importants que Slint, Therapy?, Don Caballero, The Rachel's ou même les Yeah Yeah Yeahs, Shannon Wright et TV on The Radio. Un tableau de chasse on ne peut plus impressionnant qui, avant même qu'on pousse le premier album de Sholi dans le lecteur, nous fait espérer beaucoup de choses.
Ce n'est pas "All That We Can See", en ouverture, qui va nous contredire. Avec d'un côté une batterie morcelée, de sèches ruptures rythmiques, et de l'autre une voix très douce et sa guitare acoustique, nous nous retrouvons face à une bien étrange composition, inconnue de nos registres et pourtant tout de suite mémorisable, presque tubesque. À cet instant notre excitation pour ce jeune trio californien est à son comble : un groupe alternant mathcore, noise et folk-pop très mélodique, voilà un projet qui ne tombe pas du ciel mais qu'on imaginait pas encore tout à fait. Sholi nous prouve que cela peut tenir la route à merveille – en attendant mieux. Si ce premier opus éponyme n'est pas un chef d'oeuvre, il fait en revanche preuve d'une belle maturité et d'une grande maîtrise technique. On sent que les trois musiciens sont redoutables ; à la batterie notamment, Jonathan Bafus nous fait une belle démonstration de jeu galopant inspiré du free-jazz. Mais cette aisance instrumentale n'est pas autosuffisante, et elle vient plutôt apporter un panache incroyable à des chansons pas si éloignées que ça du rock alternatif 90's.
Dans cette débauche de guitares acérées et de basses lourdes, l'inspiration folk-pop vient se poser en idéal contre-point sentimental. On ne le sent pas toujours, à cause d'une production très masculine, mais l'ébauche de chaque morceau pourrait bien être un guitare-voix de Payam Bavafa. La grande délicatesse mélodique qu'il témoigne et la jolie voix fluette qu'il arbore font de lui un songwriter franchement prometteur. D'ailleurs, Sholi a bien choisi sa scène en se réclamant proche d'Iron & Wine, Grizzly Bear ou Deerhof (dont l'un des membres assure le mixage). Et c'est peut-être ce qu'on pourrait juste leur reprocher : avec de telles aspirations on s'étonne que leur musique sonne si dur : au jour d'aujourd'hui, je les aurais plus vus dans la mouvance de feu Cave In ou même de These Arms Are Snakes, des groupes au passé metal clairement affirmé ! Mais enfin, si les choses se passent comme à l'accoutumée, Sholi exploseront les charts dans quelques années, ils auront trouvé leur crédo en enlevant quelques saturations, et bien sûr sur un autre label que Quaterstick Records.