She Reaches Out to She Reaches Out to She

Chelsea Wolfe

Loma Vista – 2024
par Guigui, le 20 février 2024
8

Pourquoi a-t-on l’impression d’entendre en permanence parler de Chelsea Wolfe ? Parce que depuis ses débuts en 2006 et la sortie de l'autoproduit Mistake in Parting, rares ont été les années de silence de la Californienne. Au point d’en arriver à une discographie déjà longue comme le bras, bien que parfois inégale, dans laquelle se bousculent en vrac une dizaine d’albums, 4 EP’s, des collaborations avec Converge ou King Dude, un live au Roadburn en 2012 sans oublier la BO du film X où la dame prêtait sa voix aux musiques de Tyler Bates. Liste non exhaustive.

Cette productivité fait qu’en plus d’avoir obtenu un statut de patronne de la scène dark folk / indus, la musicienne américaine se présente comme une espèce de petit diable sur l’épaule qui ne nous quitte jamais vraiment et murmurerait délicatement dans notre oreille de nous laisser bercer par son côté obscur. Néanmoins, si la dame en noir occupe le terrain quasiment en permanence, il est vrai que ce She Reaches Out to She Reaches Out to She est son premier effort solo depuis le superbe et très épuré Birth of Violence, écrit dans l’intimité et sorti en 2019.

Travail de longue haleine initié au printemps 2020, ce nouvel album a bénéficié d’un encadrement cinq étoiles, avant l’accouchement. Citons les fidèles Ben Chisholm, Jess Gowrie et Bryan Tulao, mais également Dave Sitek (TV On The Radio) et Shawn Everett (Slowdive, The Killers…) qui ont chacun apporté leur touche personnelle pour conférer à l’ensemble cette couleur générale qui tranche franchement avec les accents plus country et pop de Birth of Violence.

À la première écoute, ce nouvel opus révèle de nombreux ingrédients que la Californienne avait disséminés dans ses œuvres précédentes. Cette cuvée 2024 se savoure dès lors comme une obscure mais délicieuse soupe invitant neo folk, dark electro, goth rock ou encore trip hop. Dès la plage d’ouverture, « Whispers in the Echo Chamber » annonce un retour aux arrangements plus sophistiqués. La voix brumeuse de Chelsea Wolfe semble jouer à cache, tantôt avec des boucles électro minimalistes, tantôt derrière des guitares plus rugueuses. Une formule qui évoquerait presque le classique Third de Portishead. L’album enchaîne sur un « House of Self-Undoing » traitant de la sobriété de la chanteuse vécue après la tournée de son précédent album. Titre à la rythmique paradoxalement entrainante pour un sujet plus lourd. Lourdeur et mélancolie – sa marque de fabrique -  qui se trouveront bien évidemment sur « Everything Turns Blue » vantant les mérites d’un retour sur soi après un long épisode d’emprise toxique. Sur « Tunnel Lights », le charme opère en puisant à la fois du côté de Nine Inch Nails que des ambiances de la série Twin Peaks.

« Ce disque raconte l’histoire d’un affranchissement des situations et des schémas qui entravent votre liberté. Il vous invite à retrouver votre propre authenticité. » Difficile de mieux résumer ce She Reaches Out To…, une collection de titres alliant mélancolie, servie majoritairement par des parties électroniques sombres, et surtout une voix délicate, profonde et douce, parfois à la limite de l’ASMR, dont seule Chelsea Wolfe a le secret. L’album se déguste de la première minute jusqu’à la douce apothéose qu’est le single « Dusk », qu’on aurait davantage vu en milieu d’album tant il est accrocheur. Mais ne serait-ce pas là un autre aspect illustrant la philosophie de ce nouvel album? Se libérer de ce qui nous bride, à tout prix. 

Le goût des autres :