Shaolin vs. Wu-Tang
Raekwon
Après de longues années de pseudo-anonymat, Raekwon était revenu sur le devant de la scène de la plus belle des manières avec le second volume de son classique de 1995, Only Built For Cuban Linx... Presque quinze ans après la déflagration originelle, le New-Yorkais revenait d'entre les morts avec sous le bras une nouvelle bombe hip hop qui réunissait la crème de la crème des producteurs et un joli paquet de emcees de renom. Depuis la sortie de cette imparable galette, il semblerait que Raekwon ait enfin pris conscience de l'attente que pouvait générer son travail sur les fans, et c'est un artiste plus productif que jamais qui s'est remis au travail de plus belle. Ce stakhanovisme discographique s'est donc traduit par la chouette tape Cocainism, un album collaboratif avec ses frères d'armes Method Man et Ghostface Killah qui ne restera malheureusement pas dans les anales, et par ce Shaolin vs Wu-Tang très attendu qui orne les bacs depuis quelques jours à peine.
A Goûte Mes Disques, nous n'avons jamais caché notre admiration pour Raekwon, un artiste trop souvent considéré comme un second couteau du Wu-Tang mais dont les choix de carrière forcent finalement le respect. On est ici loin des fulgurances enfumées d'un Method Man trop volubile pour être crédible ou d'une descente aux enfers à la RZA : fidèle à ses premières amours, Corey Woods n'a que trop conscience du fait qu'ils sont encore nombreux à vouer un culte aux premières réalisations du Wu-Tang. Par ailleurs, il a certainement pris bonne note du fait que dès qu'ils s'aventuraient en dehors de leurs habituels terrains de jeux sombres et délabrés, les autres membres du crew de Brooklyn avaient légèrement tendance à se prendre les Air Jordan dans le tapis. C'est donc de ce réalisme à toute épreuve que Raekwon tire toute sa force et son succès: Shaolin vs. Wu-Tang est un nouvel hommage cinq étoiles au rap qui faisait la renommée de la Big Apple dans les années 90 – d'ailleurs, les présences au featuring de Ghostface Killah, Inspectah Deck, Method Man, Nas ou Black Thought de The Roots ne laissent planer aucun doute quant à l'aspect « sauterie entre amis » de l'objet. Si le côté « flow » de la chose est donc bien couvert par une équipe de All Stars, il en est de même pour les productions, pour la plupart façonnées par des inconnus dont la connaissance des codes régissant le hip hop east coast se révèle vite impressionnante. Ainsi, malgré une équipe imposante, la cohésion affichée sur Shaolin vs. Wu-Tang, doublée d'une impression prégnante que tous ces gens ne sont pas venus pour cachetonner, a de quoi séduire.
Vous l'aurez compris, si les beats qui claquent, les flows qui tranchent et les samples de kung fu ont le don de vous faire bouger la tête et lever le bras en beuglant « Wu! Wu! Wu! », Shaolin vs. Wu-Tang est fait pour vous et risque fort de figurer parmi vos albums préférés de 2011. Quant aux autres, vu l'excellente qualité du produit, le simple fait d'aimer le bon hip hop old school devrait suffire pour qu'il profite pleinement de l'expérience.