Sexy Planet
Bonnie Banane
En 2013, Myth Syzer publiait le Zero EP. À l'époque, le producteur parlait à une audience restreinte mais fidèle. Un format court plein d'hésitations qui laissait pourtant apparaître la propension du Vendéen à mélanger les couleurs et les sensibilités. C'est sur cet EP que l'on a fait la connaissance de Prince Waly, qui depuis a fait un bon bout de chemin. C'est sur ce même projet que l'on a découvert le voix unique de Bonnie Banane sur un "Bonbon à la menthe" qui tranchait avec les atmosphères chopped & screwed du projet - une balade façon James Blake qui entrait en collision avec la rigueur mécanique des boîtes à rythmes héritées d'Atlanta. Un morceau pop qui, en plus d'avoir bien vieilli, préfigurait le virage que prendrait le producteur sur Bisous et Bisous Mortels, cinq ans plus tard.
Depuis tout ce temps, qu'est devenue Bonnie Banane ? Et bien, il semble que la belle ait pris son temps, en nous laissant partir sur de fausses pistes. Il y deux ans, elle nous a donné l'impression d'avoir trouvé son "Clyde" en la personne de Varnish La Piscine, le temps d'un mini-album qui a démontré l'épatante alchimie entre les deux personnages. Pour ensuite prendre la tangente et laisser sa voix féline se mélanger à celle de Flavien Berger, pour le très beau "Contre Temps" sur le dernier album du Parisien. Puis c'est dans le studio d'un certain Para One qu'on a pu la croiser l'an passé. Il aura finalement attendre le 13 novembre 2020, une date tristement historique, pour comprendre que, ce qui a occupé Bonnie Banane durant tout ce temps, c'est ce Sexy Planet. Et ce qu'on peut dire, c'est que ça valait la peine d'attendre : ce premier album est bien le produit de la somme de toutes ses rencontres, ainsi que le juste reflet de ce que souhaite incarner cette chanteuse unique.
On aurait toutefois bien du mal à classer la musique de Bonnie Banane : s'il y a bien des traces de chanson française ça et là, et un attrait indéniable pour les musiques urbaines qui empruntent aux rythmes latins, le produit fini ressemble à l'improbable somme de sensibilités en apparence incompatibles, mais que sa personnalité unique parvient à associer. C'est ce qui permet à Sexy Planet de s'offrir quelques tubes dignes de la bande FM ("Cha-cha-cha"), et qui cohabitent sans mal avec d'autres choses plus personnelles mais tout aussi réussies (les très beaux "Deuil" ou "Flash"). Cette facilité à pondre des tubes, difficile de ne pas la rattacher à Aya Nakamura et à sa façon d'utiliser des mots simples, vidés de leur sens, réduits à leur essence de fragments vocaux accolés à une partition.
Sexy Planet est un disque dépouillé et enfantin, aux mélodies immédiates et à la narration impeccable. C'est surtout un disque qui révèle un véritable génie pop. Même s'il tient autant de Yelle que de Brigitte Fontaine, Sexy Planet n'en demeure pas moins un album qui ne ressemble qu'à Bonnie Banane, qui nous offre ici un moment de bravoure lunaire, et réussit le petit exploit de donner du sens dans une année qui n'en a pas.