Sequenza

Chloé & Vassilena Serafimova

Lumière Noire – 2021
par Émile, le 17 novembre 2021
8

Enfin ! Après une rencontre en 2017, la productrice française et la marimbiste bulgare nous proposent finalement un album. Il aura fallu passer par un feat, puis un titre, puis un EP, pour arriver au produit fini qu’est Sequenza. Avant de rentrer dans le détail de ce qu’on en a pensé, on peut déjà vous dire une chose : en les voyant jouer toutes les deux aux Nuits Sonores cet été, on savait que peu importe ce qu’on allait penser de leur disque, Chloé et Vassilena Serafimova n'en auraient absolument rien à carrer vu le kiff complet qu’elles avaient l’air de vivre. Passant des machines aux percussions, du marimba aux machines, c’était sourire sur sourire sur sourire. Et ça se ressent clairement sur le disque.

Celui-ci se compose en partie de reprises, notamment « The Dawn – Sequenza Version » pour prouver que Chloé a laissé Vassilena Serafimova entrer pleinement dans son univers, avec une vraie fusion. Le titre est d’ailleurs une excellente façon de réaliser l'apport du marimba. Loin de ne constituer qu'un léger voile sonore qu’on aurait appliqué au morceau original, Serafimova et son instrument entrent dans le travail musical, et c’est une vraie transformation qui s’opère. Sur Endless Revision, un grain non-numérique se marie parfaitement avec l’atmosphère préexistante. Et en termes de création pure, le single « Balani » montre que cette fusion ne fonctionne pas que sur des reworks, mais également dans des projets neufs.

La collaboration entre les deux musiciennes n’est pas simplement une façon de redécouvrir Chloé, et Sequenza n’est pas « Chloé + du marimba ». Comme sa collègue par moments, Chloé quitte son monde en co-construisant, notamment le très ambient « Dve Hubavi Otchi », qui s'ouvre clairement vers un autre type de musique, plus expérimentale, plus proche de la création contemporaine vers laquelle Chloé lorgne depuis quelques années déjà. La grande force de cette tension légère vers l’expérimentation, c’est notamment celle de Vassilena Serafimova, qui parvient à faire de la musique répétitive au marimba, parfois expérimentale, sans sonner simplement post-Steve Reich. On oublie d’ailleurs – peut-être à tort – le minimalisme américain tout au long de Sequenza. Et de fait, jamais il n’aurait été capable de produire une pièce comme « 52 Hertz », qui trouve des influences bien plus larges que ce qu’on entend généralement au marimba.

C’est probablement pour cela qu’il aura fallu quatre ans pour qu’on passe d’une collaboration exceptionnelle à un disque entier. Parce que cette collaboration ne va pas de soi. De la musique électronique qui a à sa disposition une quasi-infinité de variations sonores, sur laquelle s'ajoute un instrument percussif, permettant donc peu de variations, et auquel on n’ajoutera ni pédale d’effet ni modification numérique. Un pitch qui aurait pu être synonyme d'ennui sur quarante minutes, mais qui parvient à éviter tous les écueils possibles. Avec une vraie libération pour Serafimova, plus ancrée dans la musique classique, et un approfondissement qui semble essentiel pour Chloé, lui permettant de jongler avec d’autres projets récents comme le très orienté club Mars 500. Grâce à toutes ces opportunités et qualités, le résultat est bluffant et d’une richesse inattendue. Avec une mention spéciale pour le sublime « Mare a mare », qui résume bien tout le potentiel du duo.