Sept 5th
dvsn
Dès fois que vous seriez un fuckboy ultime comme moi, il vous est peut-être arrivé de vous lever un matin et de vouloir vous offrir un sweatshirt à l'effigie d'October's Very Own. Et comme moi, il vous est probablement passé par la tête qu'à la vue des tarifs exorbitants pratiqués, la petite entreprise menée par Drake et Noah "40" Shebib puisse connaître la crise, logée à la même enseigne que n'importe quelle autre industrie textile. Comme Tati ou Babou.
Pourtant, avec le recul, c'est plutôt le raisonnement inverse qui prévaut: oser sortir un sweat à 148$, ça résonne davantage le symbole ultime que toute cette musique fragile exportée du Canada fait école, et qu'elle a de belles années devant elle. Et donc, en un mot comme en cent: que vous aimiez Drake ou non, vous allez subir non seulement son actualité, mais aussi celle de ses petits copains – à défaut de subir son linge à tous les coins de rue.
Après, il faut savoir se respecter un minimum: je ne gâche pas mon sommeil devant un match de play-offs des Raptors de Toronto à 3 heures du mat'. Et comme je n'avais pas envie de perdre mon temps sur le disque de Jazz Cartier, j'ai eu tout le loisir de me pencher sur l'actualité d'OVO, particulièrement chargée le mois dernier. Deux disques se sont tirés en effet la bourre: le premier et très attendu album de Majid Jordan, et celui forcément beaucoup moins attendu de dvsn, dernière signature de la structure. On a beaucoup entendu parler du premier pour les mauvaises raisons: Majid Jordan a été un four retentissant, incapable de garder les braises chaudes d'ici à l'arrivée du disque de Drake. Coïncidence ou pas, c'est à ce moment là que le joker dvsn est sorti des tiroirs pour maintenir la pression, avec la sortie surprise de Sept 5th. Et croyez-nous sur parole, c'est une belle, même une très belle pioche.
A la trappe le format EP: c'est directement par la case album que le duo composé du producteur NineTeen85 (un type pas avare en miracles par le passé) et du chanteur Daniel Daley fera ses preuves. Et en une grosse cinquantaine de minutes, le combo sait travailler une recette qui le distingue de ses collègues: s'il invoque régulièrement le genre de spleen inscrit dans l'ADN du label, le duo aspire surtout à offrir un monolithe soul plutôt que de courir derrière le single parfait. Ambitieux, peu effrayé par l'idée de proposer des pistes qui s'étirent, dvsn propose sur dix titres un R&B labyrinthique mais abouti, et qui s'épargne la roucoulade de trop ou le single catchy qui viendrait enrayer une mécanique impeccablement huilée.
Avec une carte de visite pareille, pas sûr que dvsn arrive à faire une percée héroïque dans le cœur d'un auditoire jusqu'alors bercé par PARTYNEXTDOOR ou les pitreries de ILoveMakonnen. Mais dans le fond, peu importe: Sept 5th réussit à incarner un pont parfait entre toute cette génération de musiciens fragile et le R&B de papa - Curtis Mayfield, Marvin Gaye et tous les autres. Un mélange des genres d'autant plus marquant qu'à l'heure où les plus précieuses icônes du R&B ont tendance à se perdre, dvsn s'en va confirmer tout le bien que l'on pense de cette scène en 2016. Car si son futur est incarné par des gens comme dvsn, Dawn Richard ou Abra, alors oui, il y a vraiment de quoi se réjouir.