Secret Machines

The Secret Machines

World's Fair Label Group – 2008
par Julien, le 5 novembre 2008
7

Quand dans un groupe se côtoient des frères, des soeurs, on peut effectivement penser qu'ils en sont le moteur, tout du moins les inséparables. Les exemples pullulent : Oasis, Anathema ou même les Corrs sont autant de fraternités à la vie à la mort qui n'existent et ne tiennent que par le ciment familial. Les Secret Machines, eux, se posent aujourd'hui en contre-exemple parfait à l'hypothèse avancée. Après deux albums bien accueillis et un succès d'estime grandissant, Ben Curtis s'en est allé rejoindre définitivement son groupe d'adolescence, laissant seul Brandon du même nom au chant. Pas d'animosité, une simple histoire de plan de carrière. Il est remplacé, dans un beau geste de continuité, par un de ses amis, Phil Karnatz. Un changement dans la douceur que Brandon Curtis résume mieux que quiconque : "Ben est évidemment irremplaçable, mais l'arrivée de Phil a été très facile".

Musicalement, l'auditeur attentif au trajet du groupe ne se verra pas non plus bouleversé. Le troisième album de Secret Machines est éponyme, façon comme une autre de rappeler qu'ils sont toujours les mêmes. Peu de changement, la formule s'affine et vieillit bien. En revanche, ceux qui n'ont entendu mot du trio américain doivent se confronter à une identité forte, et, surtout, complètement en dehors des modes. The Secret Machines n'ont rien retenu des années 80 et pas bien plus des années 90, un fait suffisamment rare de nos jours pour ne pas être mentionné. Leur passion quasi exclusive se tourne en fait vers les années 70 de Led Zeppelin, de Bowie et du rock progressif. À lire ceci, beaucoup doivent craindre le pire et se rappeler aux temps cauchemardesques de Yes ou Genesis. On peut être rassuré, les trois curieux préfèrent les ambiances Floydiennes aux déboulés de claviers d'Emerson, Lake & Palmer.

Il y a beaucoup de retenue dans leur lyrisme, beaucoup de concision dans leur grandiloquence. Leur romantisme est souvent contenu par une batterie mécanique rappelant les premiers Kraftwerk. Qu'on ne s'y trompe pas, on a tout de même droit à des morceaux qui s'étirent en longueur de façon démesurée et à une lead guitar très en avant. Mais ce ne sont pas des tares et il ne faut pas être manichéen : "The Walls are Starting to Crack" possède toutes les caractéristiques précitées et n'en est pas moins un superbe hommage au vrai rock progressif, avec une grande et belle sensibilité, avec son idéalisme naif et ses contrastes exacerbés (piano larmoyant et pont destructuré). C'est forcément sur la corde raide du kitsch, sans jamais y chuter.

Il est juste dommage que quelques titres viennent tempérer notre enthousiasme. "Have I Run Out ?" et "The Fire is Waiting", dix-neuf minutes à elles deux, nous plongent dans l'indifférence la plus désagréable. L'écoute du disque d'une traite en devient poussive et contrariante. C'est donc raté pour le sans-faute, et on se rabattra sur l'écoute compulsive des nombreuses pépites de l'album. On les écoutera beaucoup mais on hésitera à les faire partager – de peur de se faire prendre dans la chasse aux proggeux qui sévit depuis trente ans.