Sea of Mirrors
The Coral
Quand l’expression « fan service » viendra grossir les rangs des anglicismes présents au Larousse, on pourra accoler à la définition une belle photo de presse de The Coral. En effet, depuis ses débuts, le groupe anglais s’échine à satisfaire des gens qui n’attendant finalement qu’une seule chose d’eux : de très bons albums de pop psyché mâtinée de country-folk.
De fait, une fois retombé l’emballement post-« Dreaming of You » en 2002, et qui aura eu le mérite de placer The Coral dans un paysage rock anglais à l’époque surchargé, la bande à James Skelly s’est installée dans une forme de routine impeccable, modulant légèrement sa formule d’un album à l’autre, mais maintenant globalement un niveau de qualité exceptionnel, jusque dans ses faces B.
Mais revenons-en au fameux « fan service », souvent connoté négativement, comme pour dire d’un artiste qu’il s’est borné à errer dans sa zone de confort et celle de son public le plus fidèle. Non seulement il faut redorer le blason de ce concept dévoyé par des gens bien trop opportunistes, mais il faut également reconnaître que The Coral aura su pimenter une carrière menacée par un encroûtement bien logique quand cela fait si longtemps que vous ferraillez dans une indifférence inversement proportionnelle à votre talent.
Ainsi, après un très beau concept album en 2021 (Coral Island), revoilà déjà le groupe avec deux disques sous le bras : Holy Joe's Coral Island Medicine Show, disque compagnon de Coral Island et disponible uniquement au format vinyle, et ce Sea Of Mirrors pensé comme la B.O. d'un western spaghetti imaginaire. Sur papier, les intentions sont louables, mais on ne va pas se mentir trop longtemps : la capacité des Anglais à se réapproprier un univers pourtant très identifiable reste assez marginale – quelques références viennent bien rehausser l’ensemble, mais on est toujours bien face au même groupe, davantage obsédé par The Fairport Convention que par Ennio Morricone, par Paul McCartney que par Hank Williams.
Mais qu’importe au final : non seulement on ne peut que se féliciter de cette prudence dans le choix des arrangements, mais on note surtout que l’écriture du chanteur James Skelly tutoie les sommets atteints par le groupe sur The Invisible Invasion et Roots & Echoes – peut-être les deux meilleurs albums de sa carrière. À dire vrai, The Coral est dans un tel état de grâce sur Sea of Mirrors que l’apparition de Cillian « Oppenheimer » Murphy sur « Oceans Apart » ou le retour le temps d’un titre du guitariste Bill Ryder-Jones apparaissent comme des détails de la magnifique histoire que nous conte The Coral, d’une limpidité absolue, d’une douceur de tous les instants.