Schmilco
Wilco
Bien qu’on ne les ait pas vraiment perdus de vue depuis leur précédent album (qui date seulement de l’année dernière), le nouveau Wilco débute comme des retrouvailles : on s’y sent en confiance comme avec un vieux copain d’enfance, on s'y sent bien comme dans un vieux fauteuil de famille. Et c’est un sentiment de plaisir retrouvé qui domine dès la première écoute du disque : Wilco n’a jamais vraiment déçu et ce n’est pas aujourd’hui que cela va commencer, même si le mordant ou les expérimentations d’il y a quelques années ne sont clairement plus d’actualité.
Cette sensation de routine est renforcée par le retour à la normale du process de sortie de l’album. Alors qu'il y a à peine un an les Chicagoans jouaient la carte de la surprise en sortant sans crier gare le court et mal nommé Star Wars (avec peut-être l'ambition inavouée de se faire un peu de pub sur le dos de la sortie de l'exécrable épisode 7 dont la promo battait alors son plein), cette fois le groupe de Jeff Tweedy est revenu à une méthode tout ce qu'il y a de plus classique pour l'atterrissage de ce Schmilco, annoncé il y a deux mois avec la publication de deux morceaux en éclaireurs.
L’écoute de cette nouvelle galette, la dixième en 20 ans depuis l’inaugural A.M, nous replonge dans l’univers indie rock / alt. folk qu’affectionne Wilco, en se concentrant sur l’essentiel : du songwriting sans fioritures inutiles et presque entièrement acoustique, se reposant sur une ossature guitare-voix ponctuée d’arrangements discrets et bienvenus. Pas de morceau plus fort que les autres qui planerait au-dessus du lot comme le groupe a déjà pu le faire ("Via Chicago" sur Summerteeth pour n’en citer qu’un), mais une succession de chansons courtes (rarement plus de 3 minutes) sans aucun moment de faiblesse. Dans la forme on en vient à penser à Elliott Smith tout au long de ces douze titres.
Par effet de rebond, on est ici loin des expérimentations indie de Yankee Foxtrot Hotel, ou même de l'ambition affichée d'un Wilco (The album). Quelques passages plus rêches ("Common Sense", "Nope") n’empêchent pas une grande mélancolie d’exsuder du disque. Jeff Tweedy chante la joie d’être malheureux (ou l’inverse, on ne sait pas trop) se décrivant « so sad and smiling » sur "Happiness". Le thème de l’enfance est également filé ("If I Ever Was A child", "Normal American Kids") avec beaucoup de douceur, sans jamais tomber dans le pathos. Avec Schmilco, Wilco n’a certainement pas sorti l’album-synthèse de sa belle carrière, pas plus qu'il n'a ajouté un nouveau sommet à un parcours déjà riche, mais se contente de creuser toujours plus loin un sillon si particulier et c’est tant mieux.