Sarah
Jude
L’histoire est éternelle : c’est toujours dans les grands moments de désespoir et de tristesse que naissent les œuvres les plus belles. Et quoi de plus désespérant et triste qu’une rupture amoureuse doublée d’une rupture professionnelle ? Je vous le demande. En l’espace d’un clin d’œil, notre ami Jude Christodal, bien connu en France pour l’excellent No one is really beautiful, sorti en 1998, s’est fait larguer par sa petite amie Sarah et par sa grande amie Madonna, es-qualité de grand chef du label Maverick.
Les raisons de la rupture amoureuse restent mystérieuses (c’est sa vie privée après tout), mais on croit savoir que Maverick a été déçu des ventes poussives du précédent album de Jude, King of Yesterday, paru en en 2001. Un score en vérité à la hauteur d’un disque assez médiocre, plombé de guimauve, d’arrangements aussi kitsch qu’inutiles et d’une pochette absolument… affreuse.
Parce qu’une mise au point s’imposait donc, Jude s’est remis à écrire et a sorti en 2004 ce nouvel album, Sarah, autoproduit et distribué dans un premier temps uniquement sur Internet. Naïve a eu une nouvelle fois le nez creux en proposant à l’artiste de distribuer officiellement son disque en France. Et c’est une petite pépite qui s’offre à nos oreilles en ce joli début de printemps.
Pour être clair, Sarah représente l’anti King of Yesterday. Sur la forme en tout cas, puisque, dans le fond, il est encore question (bien entendu), de relation sentimentale. Mais délestée de toutes les lourdeurs d’antan, la musique de Jude n’en est que plus belle et touchante. A la manière d’un Damien Rice, devenu en quelques mois seulement l’étalon-or du genre, Jude a laissé au placard les cuivres, la basse, la batterie, pour se concentrer sur sa guitare sèche et sa voix, toujours aussi pure, angélique, comme tombée du ciel.
Débutant sur l’ironique « Madonna », dédiée à vous-devinez-qui, Sarah ausculte au cours des huit morceaux suivants la naissance, la vie et la mort d’une histoire amoureuse : la découverte de l’autre (« you are like a butterfly, a pretty pest »), l’addiction (« the scales themselves have turned to gold and everything is colored rose »), le sentiment de plénitude (nécessairement factice, « no one else can ever make me feel I’m not alone »), et puis la lassitude (« another day has passed in this love affaire that we swear now will ever last »), jusqu’à la rupture (« everything seems to be the past » ). Et le bougre sait de quoi il parle ! Particulièrement subtils, les morceaux se teintent d’une certaine et délicate couche d’amertume.
Alors certes, tout cela a déjà été dit ailleurs, parfois d’une façon plus belle encore, les morceaux, quoique mélodieux, n'accrochent pas vraiment l'oreille, mais puisque la saison des amours est sur le point de débuter, écoutons ce Sarah et sachons donc à quoi nous attendre quand l’automne viendra…