Same As It Never Was
The Herbaliser
The Herbaliser fait sans conteste partie de ces formations dont le parcours fait languir bon nombre d’aspirants producteurs hip-hop jazzy : une liste de disques impressionnante, accueillis avec succès par les critiques de tous bords et parus sur la plus belle écurie du genre (Ninja Tune), une cordiale invitation à signer un mix brillant pour le compte de l’increvable série Fabric, et finalement une réputation scénique qui n’est plus à faire. Difficile donc de garder la tête froide au moment de déchiffrer les intentions de ce Same As It Never Was, dernier cadeau en date du duo anglais. En effet, avec une discographie ayant peu à peu acquis le statut d’évangile, on n’imagine guère dire du mal de ces deux génies du hip-hop british.
Et pourtant il faudra bien s’y faire, ce neuvième album souffle d’emblée le chaud et le froid sur le petit monde de la production soulful. Preuve s’il en est que l’écart de conduite, si peu dommageable soit-il, menace même les plus grands. Les titres s’enchaînant, je me dis qu’il faudra bien trouver une justification à cette critique que beaucoup verront déjà comme insultante et non-fondée. Mais dès l’introduction, la légèreté du contenu frappe de plein fouet l’oreille de l’auditeur attentif ; quoique, pire encore, nul besoin de tendre l’oreille avec insistance pour appréhender le fait qu’on nage dans un exercice absent de toute remise en question quelle qu’elle soit. Une formule simplifiée au possible qui se risque à proposer des productions extrêmement lissées et poncées jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’une soupelette âpre, réminiscence ultime de clichés soul/funk. Et tout y passe : des vocalises soul faussement enjouées aux cuivres souvent poussifs, The Herbaliser tente l’improbable en réduisant sa musique à une poignée d’images d’Epinal éculées façon Blaxploitation 70’s, une manière comme une autre de rassembler la marge la plus grande possible pour faire la fête autour de cet album en demi-teinte.
Car si on dépasse cette grille de lecture quelque peu rigoureuse, la fête et les surprises sont bien là, mais en trop peu nombreuses pour véritablement s’estimer satisfait de cette nouvelle production. On notera donc çà et là quelques beaux moments de bravoure en la présence de Essa, Jean Grae et More Or Less, pour trois très bonnes pioches hip-hop pleines de couleurs et d’espoirs musicaux. Au rayon des réussites méritantes, « Amores Bango » joue le rôle d’outsider car après un départ mitigé, celui-ci explose littéralement dans des barrissements de cuivres sauvages et autres explosions de lave aux senteurs funk. Et c’est d’ailleurs à la lumière de ces quatre pépites, maigres consolation s’il fallait en juger, que la différence se fait vraiment sentir entre une qualité qu’on ne cesse d’espérer (espoir qui s’amenuise à mesure que l’album avance) et les souvenirs d’un duo qu’on a connu bien moins frileux.
Finalement, Same As It Never Was est une blondasse peroxydée dont le sourire a été préalablement figé pour attirer la clientèle, s’assurant par là même qu’on passera sous silence les quelques vacuités dont ce nouvel essai fait preuve. Reste une seule chose à espérer, que ce coup de mou passager ne laisse pas entrevoir un déclin progressif du duo. The Herbaliser, n’en doutons point, a dans sa besace les instruments nécessaires pour effacer rapidement ce faux pas à l’avenir. Suite au prochain épisode donc.