Sailing Off The Grid
Petar Dundov
Il est toujours très agréable de voir un producteur que l’on aime passer un cap majeur dans sa composition, le voir grandir au point d’amener quelque chose de vraiment rare au sein d’une scène électronique toujours plus grande et brouillonne. On a pu récemment voir des gars comme Mondkopf ou Andy Stott passer de poids moyen à poids lourds, sans pour autant qu’on n’ait pu discerner le moindre signe avant-coureur. Finalement, arrive ce sentiment quand débarque le disque de la rupture, celui où ne reconnait plus vraiment notre chéri, pour le meilleur uniquement. Petar Dundov, superstar de la techno made in Croatia depuis son délicieux « Oasis », a toujours été le porte-drapeau d’une techno ultra-classieuse, mélodique à souhait, où le subliminal était utilisé en lieu et place des grosses balises sillonnant habituellement le genre. Déjà à l’époque, Petar était fort, et il l’a prouvé au monde entier avec Escapements, premier véritable long format en forme de manifeste discret.
Le véritable coup de maître, il est arrivé l’année passée. Car pour beaucoup, ce second disque est bien celui de la « renaissance », celui où le producteur sort de son corps pour livrer un disque définitif, quatre ans après. Ideas From The Pong était de loin la claque techno de l’année (ou au moins à égalité avec celle infligée par Terrence Dixon), sorte d’ovni cosmique, riche et dense auquel rien ne nous avait habitué. Ce disque abandonnait les structures minimales bien en vue à l’époque pour plonger dans un hédonisme lent et long, tout en progression. Une machine ultra-référencée, qui croisait le meilleur de Mathew Jonson avec la musique de Tangerine Dream, la pointe de cosmic/balearic n’étant finalement là que pour rajouter un peu plus de mystique dans le son. Une sorte de techno-dub inversée, ou des échos remplacent d’autres échos, où la profondeur et la composition prennent une importance cruciale entre instinct et jeu de pistes. Bref, Ideas From The Pong c’était le truc à ne pas louper en 2012, que ce soit pour assister à l’accession au trône de Petar Dundov ou pour le bien-être de la techno en général.
Oui, mais qu’en est-t-il de ce Sailing Off The Grid arrivé un an à peine après son grand frère ? Et bien il lui est en tous points similaire, mais en moins bien. Légèrement moins bien. Premièrement on soulignera que ce disque est la copie conforme de son aîné, que ce soit dans les thèmes abordés ou dans la manière de nous foutre la gueule dedans. On pourra certes argumenter que certaines couleurs ou reliefs changent légèrement, mais globalement on est dans la même palette de sensations que sur Ideas From The Pong. Le hic, c’est que bien souvent on entre de manière subliminale dans le pompeux, dans l’ambient superbe mais naïf. Si la longueur des titres a toujours eu une part importante dans la composition (la plupart des titres tournant entre dix et douze minutes), on se retrouve parfois à patauger dans la mélasse cosmique, presque kraut, sur des structures ryhtmiques jolies mais passe-partout (le pompeux « Spheres » en est l’exemple-type). Pour le reste, ça rêve super haut, c’est classe et ça reste bien au-delà de la mêlée. Un disque recommandable donc.