Rue Saint Louis en l'île

Brigitte Fontaine

Virgin Musique – 2004
par Claire, le 20 avril 2004
9

Brigitte Fontaine a connu un renouveau de popularité avec son album précédent, Kékéland, sorti en 2001, et pour lequel sa maison de disques lui avait proposé de s’entourer de groupes comme Sonic Youth, Noir Désir ou -M-. Elle revient avec Rue Saint Louis en l’île, un album sans doute plus personnel et intimiste. Elle a toujours cette diction qui fait son identité ; elle est toujours accompagnée d’Areski Belkacem, compositeur de pratiquement toutes les musiques de l’album. Ce qui a changé, c’est qu’elle s’est laissé pousser les cheveux. Les groupes choisis pour l’accompagner l’ont été par elle-même, cette fois-ci. C’est ainsi qu’on retrouvera Gotan Project sur “Rue Saint Louis en l’île”, ou Mouss et Hakim (Zebda) sur l’étonnante reprise d’un de ses anciens tubes “Le Nougat”.

C’est avec une émotion particulière que j’ai découvert que ce titre était maintenant repris, puisque c’est à l’époque ce cette chanson que j’ai découvert cette grande dame excentrique. Je me suis alors plongée dans ses anciens titres, et en particulier sur la comédie musicale Maman j’ai peur, coécrite avec Jacques Higelin. Est-ce pour ne pas rester cantonnée au succès qu’elle a connu en tant que Reine des Kékés, que Brigitte Fontaine choisit maintenant de faire découvrir à ses fans les plus récents ce qu’elle a pu faire auparavant ? Quoi qu’il en soit, cet album sort encore des sentiers battus, avec une série de chansons qui refusent de se laisser classifier par les bien-pensants. Du tango de “Rue Saint Louis en l’île” aux sonorités arabisantes qui enluminent “Le nougat”, en passant par la somptueuse ballade de “Mado” (morceau qui fait penser à ce que pouvait faire Barbara), Brigitte Fontaine se rit des petites cases où certains voudraient la caser et évolue avec aisance dans tous ces styles qui lui sont chers. Et elle ne fait pas ça en dilettante. C’est qu’elle a du talent, la dame. “Betty Boop en août” pourrait faire figure de parfaite rock song, l’humour en plus.

Sur cet album, Brigitte Fontaine nous convie dans les endroits qu’elle aime, de l’île Saint Louis au Cap Fréhel, nous invite à partager ses coups de gueule (“Le voile à l’école”), nous pousse à nous rappeler de Simone de Beauvoir (“La chanson de Simone”). Après s’être mise à nu ainsi devant nous, elle sème le doute sur le crédit que l’on peut apporter à ses propos (Brigitte est folle – hi hi hi, dans “Folie”) avant de disparaître par une pirouette, dans le nuage de poussière créé par “L’homme à la moto”. Et je reste le regard braqué sur l’horizon, dans l’espoir qu’elle fasse rapidement demi-tour. Mais elle ne revient pas, pas tout de suite. Parce qu’elle est libre comme l’air. Mais je sais que dans quelques temps, on entendra à nouveau parler d’elle. Et à ce moment là, je serai là pour l’accueillir.