Rock Them Back to hell
Left Lane Cruiser
En 2013, c’est un peu devenu un sport que de taper sur les Black Keys, de railler leur virage pop et propret, et de jouer les aigris qui regrettent les débuts rocailleux du duo d’Akron. On répondra à ces pisse-vinaigres qu’il y a suffisamment de bonnes idées sur les dernières réalisations du groupe pour ne pas tomber dans la critique gratuite, et qu’il y a surtout suffisamment de bons groupes qui, en 2013, n’ont pas vendu leur âme au grand capital. Parmi cette frange, il y a tout ces artistes qui figurent au catalogue de Alive Records, maison de L.A. fondée en 1994 par le Frenchie Patrick Boissel et dont l’une des sorties était justement The Big Come Up, premier album de deux bouseux de l’Ohio du nom de… The Black Keys. C’était en 2002 et on était bien loin des collaborations avec Danger Mouse et de « Lonely Boy ».
Et donc, dans ce marché de niche qu’est le blues / garage marécageux, les deux énergumènes de Left Lane Cruiser sont des valeurs sûres, traînant derrière eux tous les clichés associés au genre depuis un petit paquet d’années maintenant. Parce que, et on s’en rend très vite compte, il est difficile pour l’oreille moins avertie de ne pas tomber dans les habituels poncifs sur ce genre de musique au fort pouvoir évocateur: le bourbon par litrons, les hillbillies avec des chicots à la place des dents, la moiteur du Mississipi (bien que le groupe soit lui originaire de l’Indiana), les riffs couillus, les pouilleux qui blairent la clope froide, le déluge de slide guitar, les soli vicelards, et tout le tintouin. C’est bien logique d’ailleurs, et au final, on s’en tape un peu tant que ceux-ci ne font pas de l’ombre à une musique qui ne ménage pas ses efforts pour envoyer du pâté en permanence.
Car si Left Lane Cruiser prend occasionnellement le temps de reprendre son souffle (le bluesy « Coley » pour unique accalmie), c’est certainement parce que la ruée dans les brancards est telle sur le reste de Rock Them back to Hell qu’on se dit que ce genre de titre plus calme a été écrit dans le seul but de se ménager une petite pause en live – exercice où le groupe convainc également. Bref, dans le genre généreux dans l’effort et gagnant sur tous les tableaux, Left Lane Cruiser fait figure de cheval sur lequel il fait bon parier.