Road To Rouen
Supergrass
Oasis. Blur. Pulp. Suede. Supergrass. Cinq groupes qui résument à eux seuls le phénomène Britpop. Mais quelles trajectoires différentes pour ces piliers ultra-médiatisés des années 90 !!! Les premiers continuent de se prendre pour le meilleur groupe du monde et, malgré un bon cru 2005, ne sont plus pris au sérieux par grand-monde. Les deuxièmes attendent désespérément un improbable retour de Graham Coxon à bord. Les troisièmes et quatrièmes ont implosé en plein vol - respectivement en 2002 et 2003. Reste Supergrass : 4 trublions chevelus, apparus en 1994, ayant soufflé leurs 10 bougies l’an passé en publiant un best-of et n’ayant jamais cessé d’être excitants.
D’où le scepticisme logique à l’écoute de ce cinquième album, accouché dans la douleur au fin fond de la Normandie, après que le quatuor se soit séparé pendant quelques temps. Un disque qui sonne un peu comme la dernière chance d’un groupe qui n’a pourtant jamais vraiment semblé acculé, si ce n’est par ses propres ambitions.
On sait depuis longtemps que Gaz Coombes et les siens ne supportent pas l’image d’éternels ados sautillants qu’on leur colle depuis leurs débuts : dès In It For The Money en 1997, le groupe ouvrait sa musique aux Grands Espaces, dépassant son carcan britannique et faisant autant écho à Neil Young qu’aux Buzzcocks. Aujourd’hui, Road To Rouen se revendique comme le disque de la maturité, le groupe opérant un sérieux virage à 180 degrés acoustiques. Et ceux qui pensaient que les deux inédits présents sur le best-of de l’an passé, le funky "Kiss Of Life" et le néo-grunge "Bullet", étaient révélateurs de la nouvelle ligne directrice du groupe en sont pour leur frais : ce cinquième album est celui des ballades, de l’introspection et des ambiances feutrées et lyriques.
Heureusement, Supergrass n’en est pas à son premier coup d’essai en la matière, "Moving" ou "Late In The Day" illuminaient d’ailleurs les précédents efforts du groupe. Ici, aucun titre n’atteint ces sommets, mais des morceaux du calibre de "Tales Of Endurance", "Roxy" ou même la chanson-titre démontrent que tout n’est que question d'habillage. Et après quelques écoutes déconcertantes, on se prend au jeu, tout en regrettant secrètement l’énergie d’antan.
Ce disque est une réussite, autant qu’une vraie surprise. Mais cette direction est-elle, à long terme, la bonne pour le groupe ? Et Supergrass est-il encore complètement Supergrass sans ses poussées d’adrénaline juvénile, ses guitares électriques et ses hymnes speedés ? Sans doute, quelque part entre ces deux extrêmes se trouve LE chemin. Considérons donc ce court interlude (35 minutes au compteur) comme une première avancée hasardeuse dans la bonne direction.