Ritual Spirit

Massive Attack

Virgin Records – 2016
par Jeff, le 31 janvier 2016
7

Grâce à quelques albums définitifs sortis dans les années 90, Massive Attack fait aujourd’hui partie de cette catégorie de groupes privilégiés qui a touché le jackpot et peut se permettre de prendre son temps – les seules royalties portant sur l’utilisation de « Angel » au cinéma ou dans des reportages bidons de TF1 sur les dangers des cités doivent déjà suffire à mieux vivre que l’immense majorité du petit peuple.

Si on les compare à l’autre groupe emblématique de la scène trip hop (ouuuuh le vilain mot!!!), on peut dire que cette absence des radars a été bénéfique à Portishead, qui a livré avec Third un véritable chef d’œuvre qui montrait surtout la capacité de la bande à Beth Gibbons à aller voir ailleurs en trempant son trip hop dépressif dans un bain acide de krautrock.

Le problème avec Massive Attack c’est qu’à partir de 1000th Window, 3D et Daddy G ont mis quatre ans pour nous chier une magnifique coquille vide. Magnifique dans sa présentation et son sound design, Heligoland oubliait d’émouvoir avec des titres mémorables - y’a bien qu’un stagiaire fatigué de chez Tsugi pour parler de ce disque comme d’un truc « mythique ». Dans ce contexte, on se permet d’accueillir ce retour aux affaires avec une circonspection certaine. Surtout que la publication préalable de l’EP via une app dédiée a tout du coup de marketing fumeux piloté par un management trop heureux de refaire tourner la planche à billets, coûte que coûte.

Pourtant, à notre immense surprise, Massive Attack nous donne quelques raisons d’espérer un comeback digne de notre intérêt, notamment parce qu’il ne devrait pas voir le groupe capitaliser sur sa gloire d’antan, mais plutôt tenter de proposer un truc davantage en phase avec son époque. La première raison d'y croire ouvre l’EP et est une collaboration avec autre vieux de la vieille qui a bien besoin d’un second souffle : Roots Manuva. Sur une prod’ menaçante et anxiogène, Rodney Smith se faufile entre les cassures de rythmes avec un flow qui semble comme en embuscade, prêt à attaquer sans jamais le faire. La seconde raisons d'y croire, elle clôt Ritual Spirit. Sur « Take It There », on assiste à des retrouvailles avec Tricky que l’on n’aurait jamais imaginées aussi touchantes. Clairement, le voyage 'down memory lane' est ici plus évident que partout ailleurs sur le disque, mais l’efficacité du titre, tout en langueur, est indéniable. Ailleurs, on a droit à la participation trop effacée du chanteur Azekel sur une plage-titre anecdotique, tandis que la collaboration avec les Young Fathers, dont on attendait probablement trop, fait un peu pschîîît. 

Bref, dans sa manière de nous surprendre, d’ouvrir de chouettes perspectives et de penser au présent sans oublier de se nourrir du passé, Massive Attack se positionne comme un groupe dont on ne doit pas craindre le retour sur le devant de la scène. Et dans l'actuel contexte rétromaniaque où l'on pense plus aux groupes qui vont se reformer qu'à ceux qui font bouger l'underground, c'est déjà un petit exploit.

Le goût des autres :
7 Maxime 7 Yann