Rien
Perrine En Morceaux
Il est assez fascinant de voir ce qui peut être développé pour engager une nouvelle relation. Si les plus confiants n’ont généralement pas beaucoup de mal à engager leur processus de parade amoureuse (timing et phrases accrocheuses compris), les plus mongols dans cet exercice peuvent avoir recours à des procédés complètement retors pour tenter d’arriver à leurs fins – et l’accent est bien mis sur la tentative d'arriver à quelque chose. Le grand classique quand on envisage les dix derniers centimètres avant un premier baiser comme un trajet Paris-Londres consiste à calibrer des rencontres apparemment fortuites, donner toutes les apparences de normalité à de grandes œuvres de calcul interne, de manière à pouvoir s’exprimer dans les meilleures conditions. Ce concert de Perrine En Morceaux n’était finalement que ça, qu’une grande opération de (tentative) de séduction, l’occasion rêvée de pouvoir faire des blagues un peu bizarres une bière à la main, seule à seul.
Parce que je dois à la vérité de dire que la sortie de Rien est passée à des kilomètres de mon actualité, et que je n’ai aucune connaissance de cette vague indie franco-française, qu’elle soit électronique ou non, qu’elle assume plus ou moins sa coolitude de cartonner parmi les petits (de Heimat à Cheveu en passant par La Féline, EDH, Hypo, Ventre De Biche, Violence Conjuguale, Jessica 93,…). En un mot comme en cent, ce soir-là, j’étais là pour ajuster une cible mouvante, pas pour écouter de la pop électronique artisanale. Pourtant toute cette histoire trouve son intérêt ici puisque la musique de Perrine Bailleux n’est en rien détachable de l’expérience live qu’elle fait vivre. Du genre de musicalité instable qui ne sait se répéter deux fois de manière totalement identique. Ce concert était de très bonne facture et s’est rapidement dégagé comme un moment véritablement marquant de notre première moitié de 2016.
Je ne sais pas ce qui me plait tant chez Perrine En Morceaux. Cette fascination vient peut-être de mon amour des choses artisanales, de l’incertitude, de la poésie revigorante un peu fastoche mais efficace ou alors tout simplement de ma passion indélébile pour les divas qui stimulent mes envies de poses gothiques (voire puputes) tout en jouant avec un certain swag punk – après tout, il serait facile d’en faire le parfait mélange entre The Knife, Mylène Farmer et Christine & The Queens, le tout sur une musique de Gang Gang Dance. Tout cela excite mes sens, ravive mes clichés de féminisme bubblegum, de musiques au militantisme de mousse.
Je sais pourtant que Perrine En Morceaux joue sur le fil, cartonne autant qu’elle risque sa peau au jeu du quitte ou double. Le franglais, les poses franciliennes ou la naïveté d’une DIY-pop un peu en marge sont autant d’éléments qui feront de Rien un potentiel disque de chevet ou alors le truc le plus irritant entendu ces derniers mois. Le concept-même du disque qui ne transige pas et c’est tout à son honneur par les temps qui courent. Et je ne dis pas cela car il m’a permis de passer deux heures avec une gonzesse à tomber de sa chaise.