Revelations
Shamir
Rameuter les meilleurs pour produire des hits, voilà probablement un mantra de la pop actuelle. Au détriment, souvent, de la créativité, de l’originalité ou de la vision. Cette recherche de l’efficacité à tout prix, Shamir l’a payée cash. Lorsque sort Ratchet réalisé avec la complicité de Nick Sylvester d’XL Recordings, on s’écrie d’abord à l’étoile montante à suivre de très près. Mais lorsqu’on reçoit à bras ouverts une nouveauté d’une telle fraîcheur, loin de nous sont les interrogations sur le poids réel de l’artiste dans « sa » création.
Quelques mois après la sortie du ldisque et la tournée éreintante qui l’accompagne, Shamir ressent une perte de contrôle totale sur son premier album dont la production avait été supervisée par un Sylvester qu’il dépeint comme quasi-dictatorial. Peu de temps après, il se saborde, est dégagé par son label, enregistre Hope en deux jours, seul dans sa chambre puis le diffuse gratuitement sur Soundcloud. Pour conclure ce parcours chaotique, il signe pour un bref tour en hôpital psychiatrique. Voilà que le bonhomme passe du statut de rookie prometteur à celui d’artiste indépendant, en marge d’une mêlée pop de laquelle il s’est lui-même exclu.
Mais Shamir a décidé de reprendre le contrôle. Il remet le pied à l’étrier et sort Revelations, tout autant auto-produit qu’Hope et enregistré en à peine plus de temps (deux semaines), mais diffusé par le label indépendant Father/Daughter Records. Cette démarche laisse planer l’ombre d’une question : un artiste indépendant peut-il avoir voix au chapitre dans le paysage pop de 2017 ?
Après avoir été dépossédé de son pouvoir d’initiative sur Ratchet, Shamir décide de faire absolument tout sur Revelations. Il continue à chanter de sa voix haute perchée mais gère aussi les guitares, les claviers et les boites à rythmes. Il passe également derrière la table de mixage mais parait vouloir s’en passer autant que possible, au même titre que tout autre artifice de production. En résulte un son très éloigné de celui qu’on pouvait entendre sur Racthet. D’une pop bien léchée, Shamir passe à une pop à guitares très lo-fi. Mais le parti pris « degré zéro de la production », même s’il est pleinement revendiqué, montre très vite ses lacunes. « 90’s kid » illustre parfaitement le coté paradoxal dont est victime l’ensemble. On sent que le morceau est bourré de potentiel mais on jurerait un exercice de style avec comme ligne de conduite « ballade pop qui sonne comme une démo ». Idem pour « Straight Boy » qui avait été envoyé en éclaireur et qui clôt l’album. Et ce paradoxe finit par être trop prégnant pour apprécier l’ensemble sur la longueur.
Ces Revelations sont rassurantes parce qu’elles nous montrent un Shamir qui est toujours débordant d’énergie et de quelques idées assez bonnes. Mais sans personne pour le canaliser, il donne l’impression de ne pas avoir les moyens de les mener à bout et prend des directions trop hasardeuses pour nous convaincre complètement. Ça se ressent dans cet album qui sonne trop brut, trop inabouti pour un projet qui se veut résolument pop, et ce malgré les qualités d’écriture et de composition évidentes de Shamir.