Return to the 37th Chamber

El Michels Affair

Big Crown Records – 2017
par Jeff, le 22 mai 2017
6

Le drame du Wu-Tang Clan est bien connu de tous ses fans : après un âge d’or qui aura quand même duré un bon paquet d’années, le groupe a pris un soin tout particulier à piétiner son œuvre à coups d’albums inutiles et de concerts foireux au grand incomplet. Un peu comme si tu coulais un immonde bronze sur la lunette de ta propre toilette.  Et donc, on se retrouve en 2017 avec un Once Upon A Time In Shaolin bien au chaud dans une boîte que personne n’a envie d’ouvrir, des carrières en solo qui à deux exceptions près (Ghostface Killah et Raekwon) sont davantage un motif de moqueries que de respect, et un héritage qui se célèbre au travers de merchandising, d’expositions ou, dans le cas d’espèce, d’un album de reprises.

Et pour le coup, El Michels Affairs n’en est pas à son coup d’essai - déjà en 2009, le crew de chiens fous de Staten Island avait eu droit à un premier disque de reprises à la sauce soul, Enter The 37th Chamber. Car oui, pour ceux qui ne connaîtraient pas El Michels Affair, le projet est en fait le bébé de Leon Michels, qui est le genre de figure invisible au CV qui pèse très lourd : l'Américain est d'abord le fondateur de Truth & Soul Records (qui héberge notamment Lee Fields), mais il a également co-écrit ce tube, fait partie du Menahan Street Band, est musicien en tournée pour Charles Bradley et a vu des titres à lui se faire sampler par Jay-Z ou Kid Cudi. Bref le mec en connait un rayon et peut se prévaloir d’une humilité devenue assez rare dans le milieu.

Après, on sait tous que l’exercice de la reprise est déjà compliqué en soi, et qu’il atteint des sommets de complexité lorsque l’on s’attaque à des monuments. Le gros avantage de Return To The 37th Chamber, c’est d'abord de ne pas chercher à remplacer les MC’s, et ensuite de ne pas taper uniquement dans les tubes, mais d'aller également dégotter des pépites sur les albums solo. Le disque est donc instrumental, ou presque, et c’est bien mieux ainsi. Car si un Lee Fields se réapproprie très correctement le « Snakes » de ODB, c’est autrement plus poussif quand le titre ne sait pas vraiment choisir entre l’hommage au Wu et l’hommage au sample dégotté par le RZA à l’époque - on pense ici à la reprise de l’immense « Tearz »  et son utilisation du déchirant « After Laughter » de Shannon Wise & The Shacks.

Et parler d’un titre qui a le cul entre deux chaises résume finalement assez bien le sentiment que l’on a à l’écoute d’un disque comme Return To The 36th Chamber: cela fait plusieurs semaines qu’il tourne sur les platines, et la perception que l’on en a varie en fonction des écoutes et des humeurs. A certains moments, on peut trouver la démarche aussi maline que respectueuse, à d’autres elle apparaît rapidement comme exaspérante et dénuée d’intérêt, malgré le groove impeccable qui se dégage de toutes les compositions dans la moindre exception. Et alors, un titre qui nous avait paru très efficace la veille devient totalement imbitable le lendemain. Bardé d'autant de défauts que de qualité, Return To The 36th Chamber ne peut logiquement pas prétendre à une note qui va crever le plafond. Pourtant il ne fait nul doute que c'est le genre de disque qui intrigue pour sa capacité à polariser. Et rien que pour ça, on y reviendra régulièrement, rien que pour essayer de se faire un avis définitif à son sujet.