Reset EP
Flying Lotus
Si le décès inopiné de J Dilla a laissé un vide incalculable dans le petit monde du hip-hop instrumental, ce dernier ne demeure pas en reste, continuant à célébrer avec ses nouvelles recrues la grandeur d’un genre qui ne semble pas près de s’éteindre de sitôt. Visiblement en vogue depuis son premier album en 2006 (1983), Steven Ellison revient défrayer la chronique avec ce Reset Ep sorti sur le célèbre label de Sheffield, j’ai nommé Warp Records. Reset, un intitulé qui ne manquera pas de nous faire remarquer cette volonté de Flying Lotus d’en revenir à de nouvelles bases, une nouvelle manière d’approcher le beatmaking, tout en gardant collé à son torse les formules magiques qui avaient fait de lui un prodige en devenir lors de 1983. Souvent comparé aux talents les plus éminents de la scène (Madlib, J Dilla, Daedalus,...), le neveu de John Coltrane (rien de moins) nous prouve au cours de ces dix-sept (trop) courtes minutes qu’il n’a de leçons à prendre de personne, même si son génie musical le destinait à se situer à ce niveau élevé de la compétition.
Ayant fait le long voyage qui le sépare de sa galaxie à la nôtre, le Fly’ Lo’ fait la démonstration d’une aisance monumentale, d’une maturité étonnante. Dotées d’une architecture somptueuse, les six titres qui composent ce mini album travaillent en symbiose pour nous faire entrevoir une face cachée du beatmaking contemporain : profondément obscur et propice aux multiples interprétations. « Tea Leaf » ne se prive de rien en invitant pour sa traversée mystique une voix féminine qui transcende littéralement ce qui s’apparente à une vague contemplative aux allures furieusement dubstep, renvoyant bien loin la discographie de Massive Attack. « Vegas Collie » fait la démonstration d’un beat chirurgicalement taillé, imposant avec subtilité son grésillement synthétique dans une furie de rythmes calibrés au millimètre.
Dans une veine plus downtempo, « Massage Situation » fait étrangement penser au travail fourni par Prefuse 73 au cours de son dernier opus, bardé de détails et autres voiles obscurcissants. Mais « Spicy Sammich » demeure sans doute le grand coup de force de cet Ep déjà, ma foi, bien fourni : hybride hip-hop se cachant derrière une fusion dubstep assombrie, se projetant de ses fondations solides vers un ciel grisonnant, pour mieux nous replonger dans une apnée douloureuse d'où nous parviennent épisodiquement de petites espaces d’oxygène bienvenus. « Dance Floor Stalker » clôt la danse admirablement bien d’ailleurs, car il laisse à l’auditeur le temps de décompresser avant un nouveau tour de piste (probablement) à l’aide de son rythme presque two-step et de la progression impeccable de ses nappes illuminées, dans un cosmos qui finit seulement de se consumer.
Trop court, voilà peut-être le seul reproche qui pourra être fait à ce Reset Ep tant l’essentiel est là, et si la difficulté de ces mini albums réside parfois dans le manque de contenu permettant de se faire une opinion claire sur le sujet, le savoir mystique de Flying Lotus parle de lui-même et ne laisse aucune place possible au doute tout au long de cette prestation en tous points enthousiasmante. Quand on sait que cette apparition n’est que le préambule d’un album à sortir dans le courant de cette année, on se convainc sans trop de mal à entrevoir le passage au format long du Californien comme un des moments majeurs de ce cru 2008. Fortement conseillé.