Rave Tapes
Mogwai
Les mauvaises langues diront que ce huitième album de Mogwai est à l’image de la carrière des Écossais: ça commence très fort et puis ça vire mou du genou. Comme on ne fait pas ici partie des pisse-vinaigres à la petite semaine, notre propos sera bien plus modéré. Mogwai, c’est un peu le Monet du post-rock (oui, on peut là aussi cracher sur l’étiquette mais c’est pourtant celle qui sied le mieux à cette musique de crépuscule et de fin du monde). A savoir un artiste qui ne procède pas par ruptures radicales mais par une évolution lente mais certaine. On peut certes reprocher à Mogwai d’utiliser toujours un peu les mêmes ficelles (le crescendo, les ambiances tendues, le goût des harmonies en mode mineur), mais on est obligé de reconnaître que si le cépage reste le même, les cuvées sont tout de même bien différenciables.
Rave Tapes est en cela une des évolutions les plus notables du groupe depuis peut-être Rock Action. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les premières incursions dans l’électronique du groupe datent justement de ce trop souvent injustement oublié et sous-estimé troisième album. Le changement vient donc ici principalement de l’utilisation plus grande de synthés et claviers en tous genres. Certes des claviers, chez Mogwai, il y en a toujours eu, me répondrez-vous, et ce, depuis l’inaugural Young Team, voire même les premiers EP du groupe. Cependant, à quelques exceptions près, ils étaient toujours utilisés en accompagnement, figurants souvent oniriques et ornementaux, les guitares tenant toujours férocement le premier rôle des compositions. Ici les motifs de claviers remplacent les riffs de guitare ou de basse comme base et fondation même de la plupart des titres de Rave Tapes, en sus d’un mixage qui les met également bien plus en avant qu’auparavant.
On pense souvent à l’écoute de Rave Tapes à Zombi, Majeure, Zombie Zombie ou Umberto et tous ces groupes descendants plus ou moins directs des B.O. de Carpenter, Vangelis, ou Goblin. Les ingrédients sont en effet les mêmes: claviers analogiques aux sonorités héritées des débuts de la musique électronique, arpégiateurs et boucles répétitives, ambiances oppressantes. L’intérêt est que Mogwai reste tout de même fidèle à ses codes et que les fans ne seront pas rebutés ni perdus par cette évolution, d’autant que la recette fonctionne plutôt très bien. On est donc dans la continuité de la B.O. des Revenants qui laissait poindre quelques orientations que l’on trouve ici confirmées et affirmées.
Le seul bémol que l’on pourrait avancer est, comme évoqué plus haut, une certaine inégalité dans les morceaux et la construction de l’album. Car après une entame et une première moitié où l’on ne trouvera rien à jeter, la deuxième partie de l’album présente quelques longueurs, peut-être justement dans les morceaux trop proches de ce que le groupe nous a présenté sur ses derniers efforts. En tous cas, pour une formation qui fêtera dans un an ses deux décennies d’existence, fer de lance d’un genre souvent moqué et que l’on a maintes fois donné pour mort, il n’y a qu’à voir le récent succès de groupes tels que Russian Circles ou Pelican ou l’influence diffuse que le groupe peut exercer sur un certain pan du metal contemporain (Deafheaven ou Alcest par exemple) pour constater que le post-rock a encore des choses à dire, et que des mutations et ramifications sont encore possibles.