Rave On Buddy Holly

Various Artists

Fantasy Concord – 2011
par Pauline, le 8 août 2011
5

Célébrer la courte carrière de Buddy Holly semble, sur papier, être la meilleure idée du monde. Buddy Holly, c'est une certaine idée du rock'n'roll, des robes vichy, des années 50, des États-Unis et de la naissance de la pop. Buddy Holly a connu un destin tragique (il est décédé à 23 ans dans l'avion qui l'amenait à sa prochaine date de concert) qui l'a converti en légende du rock. Il a inspiré Dylan, les Beatles et les Stones avec son rockabilly instinctif et ses compositions incroyablement efficaces. Tout le monde connaît les morceaux de Buddy Holly sans même le savoir, tant il a été repris et adulé. Mais de temps en temps, il a tendance à tomber dans l'oubli. On plie ses grosses lunettes de vue, on met au placard ses ballades faussement naïves, et on se contente de le ranger dans le bac des best of.

Cet album de reprises, c'était une belle occasion de sortir Buddy Holly de l'oubli et de lui rendre sa place au panthéon des légendes de la pop. Quand on veut rendre hommage à une figure aussi marquante, on sort quelques petits groupes hype, on les mélange à des vieilles valeurs sûres et ça donne une compile sur laquelle figurent The Black Keys, Florence+the Machine, She&Him, Lou Reed et plein d'autres encore. Et ça donne aussi un marasme inégal et plutôt indigeste. Pour faire honneur à Buddy Holly, on s'imagine qu'il faudrait s'amuser avec ses chansons, les dépoussiérer un peu, les descendre de leur piédestal. En gros, s'inspirer de la reprise de "Rave On" par M.Ward sur son album Hold Time. Sur la compilation Rave On Buddy Holly, quelques uns ne se débrouillent pas trop mal, la palme du bon goût revenant à Fiona Apple et Jon Brion qui reprennent avec beaucoup de grâce et de légerté le tube "Everyday". Faire d'une chanson mille fois entendue une surprise, voilà un challenge qu'ils relèvent haut la main. Ils rendent même hommage à l'usage merveilleux que Buddy Holly faisait des harmonies vocales. Les Black Keys ne s'en sortent pas trop mal non plus, et leur version de "Dearest" est plutôt attendrissante. Paul McCartney, lui, aurait mieux fait de s'abstenir, plutôt que d'alourdir atrocement "It's so easy" en en faisant un mauvais blues malvenu. Dans le genre gros lourd, Julian Casablancas n'est pas mal non plus, avec son "Rave On" qu'on préfère oublier immédiatement. She&Him rate le coche sur "Oh Boy!" et leur version fade fait vraiment regretter le M.Ward d'antan. Lou Reed ne fait pas rêver les foules non plus, et "Peggy Sue" sous sa guitare prend un sacré coup de vieux. Heureusement, au milieu de toutes ces fautes de goût, My Morning Jacket réussit brillament à reprendre "True Love Ways", avec en prime un petit clin d'œil à la miévrerie gentille des pop songs des années 50. Patti Smith s'en sort très bien aussi, avec sa version en apesanteur de "Words Of Love".

Le plus dérangeant avec cet album, c'est plutôt son manque de cohérence. Personne n'a vraiment d'idée précise de ce qu'il veut bien faire de l'œuvre Buddy Holly, et Rave On Buddy Holly tombe en miettes à la première écoute. Entre le mièvre, le lourd et le fade, on ne sait plus trop où donner de la tête tant aucun angle d'attaque ne semble convenir. Et c'est d'autant plus dommage que les morceaux de Buddy Holly auraient pu donner lieu à beaucoup plus d'excentricités, de prises d'assaut, d'humour. Mais cette compilation est d'une platitude et d'un ennui qui déçoivent profondément. Et Buddy Holly nous manque plus que jamais.