Rare Changes

Mayer Hawthorne

Big Bucks – 2020
par Amaury, le 20 janvier 2021
7

On ne va pas se mentir, ce qu’aiment encore plus les adeptes de soul et de disco que la grandeur d’âme, c’est de bouger leur boule en matant ceux qui gravitent dans leur orbite : les émotions puissantes passent forcément par les tripes, il faut donc bien que le corps exulte et qu’il relâche ses tensions, notamment par la danse. Justifions cela comme ça. On n’oserait pas dire que certains auditeurs sont tout simplement de vrais tombeurs et tombeuses, dans l’expectative de mélanger leur sueur.

Après ces considérations très "sous la boucle" – et pas celle de fruity loop – venons-en au fait : Mayer Hawthorne a sorti un nouvel album (dont tous les morceaux ont en fait déjà été égrenés au cours de l'année 2020). Bonne nouvelle donc pour tous les affamés, les séducteurs et séductrices en puissance, qui attendent des rythmes suaves et chaloupés histoire de se toucher la croupe. Il n’est en fait question que de cela avec Rare Changes qui s’écarte quelque peu de l’habitude que Mayer Hawthorne avait prise, en n’oubliant pas de contenter un public plus porté sur les farandoles à la Soul Train que sur l’envie de faire valser les langues dans une seule et même bouche.

Si la soul façon 80’s de l’Américain surfe assez bien sur une vague de lover en club, plutôt stéréotypée, elle reste toutefois attentive au réel besoin de vibrer dans une production pleine de basses et d’accords amples. Certes, elle n’a toujours pas perdu de ses couleurs parfois kitsch, et de sa production bien commerciale, dont les excès ou la structure peuvent parfois se muer en tue-l’amour. Au mieux, elle pourrait parfois rappeler le spectre d'un Justin Timberlake en Ray-Ban et smoking à paillettes. Il faut néanmoins reconnaître que cette approche confère au projet une efficacité certaine, puisqu’il s’agit en définitive de plaire au plus grand nombre : pas seulement à ce public soul composé de personnes connaisseuses, mais bien à un ensemble d’auditeurs lambda que l’artiste souhaite emmener vers le plaisir; par les oreilles ou par ailleurs, c’est vous qui voyez. Surtout, elle permet au disque de proposer un son identifiable entre mille, sans tomber dans le rétro pur et dur.

Avec Rare Changes, Mayer Hawthorne mobilise en effet tout ce que cette disco-soul suggère de son époque, d’énergie et de manières, en évitant leur saveur trop datée, au point que ses classiques ne parviennent plus vraiment à nous toucher, puisqu’ils ne nous concernent plus, ou même – pour les nouvelles générations – pas. Ce travail subtil sur l’appariement des claviers et des guitares typées, mais pas trop, élève l’album au-dessus de son humble intention de ravir; « Over », « M.O. », « The Great Divide » et « Only You » sont sur ce point irréprochables. Le tout en 26 minutes, format parfait pour éviter les successions de titres inégaux comme pouvaient encore le faire ses précédents projets. Alors merci, Mayer, pour ces 26 minutes de câlin honorable. On a aimé, bébé.