Racine Carrée
Stromae
A Rock En Seine, Stromae a rejoint Major Lazer sur scène et cela symbolise le principal défaut de l'album: une tendance aux sonorités putassières qu'affectionne également Diplo et qui envahissent nos ondes radios et télévisuelles. Mais là où l'Américain parle de « bubble butt », le Bruxellois sauve son deuxième album Racine Carrée, comme le premier d'ailleurs, par une finesse d'écriture indéniable, toute en simplicité. Et il se moque probablement du fait que Goûte Mes Disques trouve que ses lignes de synthé évoquent plus les fêtes foraines que les caves berlinoises, il ne cherche pas à être « branchouille », n'est ni « beauf » ni « bobo de Paris » (« Bâtard ») et nous dévoile une identité complexe et décomplexée lorsque la musique commerciale et particulièrement celle qui est destinée à faire danser le plus grand nombre continue son éloge de la vacuité.
Ca ne nous empêche pas de les trouver indigestes ces synthés, et de pâlir devant les trop nombreuses fautes de goût, mais l'auteur de ces lignes a tendance à penser qu'ils sont excusables si quelques personnes pour qui la musique se résume à D17 sont touchées par les paroles de « Papaoutai » et, se penchant sur l'album, découvrent la richesse de certaines formulations et accèdent à l'émotion qui s'en dégage, de très belle façon par endroits. Et puis il faut avouer que l'alliance des percus martiales à l'espèce de ligne dubstep crado de « Ta fête » fonctionne plutôt bien et que « Quand c'est » s'offre une prod', osons la comparaison, presque Hemsworthienne - avant de craquer sur la fin, quand même. Depuis le premier album, il faut aussi noter la maîtrise acquise par le Belge sur son organe vocal: il utilise toutes les possibilités offertes par son timbre, ce qui lui permet d'aborder différents registres d'interprétation.
Le dernier morceau "AVF" réunit deux autres chanteurs pop issus du rap (Orelsan et Maître Gims) qu'on aime détester et ressemble à un manifeste contre les clivages qui persistent en France et en Belgique entre l'authentique d'un côté et la merde de l'autre. Parce qu'effectivement, Stromae n'est pas un grand artiste, mais il est très loin de faire de la merde et, en sus des paroles, l'incongruité d'une chanson comme « Moules frites » ou le caractère inattendu d'un hommage à Césaria Evora au milieu de cet album sont des éléments qui forcent le respect.