Quest For Fire
Skrillex
Ce 17 février, Skrillex a sorti un nouvel album. En 2011, la nouvelle aurait été attrayante. En 2015, elle aurait été anecdotique. En 2023, elle semble tout juste hors de propos.
Pourtant, la trajectoire de Skrillex est ce que tout·e fan de l’immense famille des musiques pop rêverait d’avoir. Plus une carrière à la Paul McCartney qu’à la Calvin Harris. Arrivé en pleine explosion du brostep à la fin des années 2000, méprisé par les puristes de la bass music, il avait tout d’un type beaucoup trop energized pour être honnête. Peut-être que ce qu’il faut à une superstar de sa vague, c’est tout simplement qu’elle cesse. Après dix ans de projets de moins en moins suivis mais de plus en plus solides, voilà qu’il propose Quest For Fire, un disque-témoin proposant un regard rétrospectif sur son parcours et pourtant d’une actualité absolument brûlante.
Et même pas besoin de lancer l’album pour comprendre de quoi il retourne. À la simple lecture des titres, c’est le défilé de featurings. Porter Robinson, fred again.., Missy Elliott, Noisia, Aluna, Four Tet et une foule d’autres invité·es d’époques et de milieux différents. Tout ce beau linge paradant comme des médailles sur la veste de Skrillex. À la vue de tous, il s’est dérobé pour conquérir le dubstep, la techno, la house, le hip-hop, l’EDM, jour après jour pendant plus de quinze ans.
La preuve que Quest For Fire n’est pas un simple album contextuel, c’est que plusieurs des titres sont disponibles depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois pour certains. On avait déjà craqué pour le « Butterflies » qu’il partage avec Starrah et Four Tet, et on pourrait même aller plus loin en voyant que le featuring avec Mr Oizo est surtout un revival de la période où Quentin Dupieux bossait avec leur pote commun Boys Noize – ça s’appelait Handbraekes, c’était dingue, mais là on n’est pas même sûr que Mr Oizo ait fait plus que signer pour avoir son nom dessus.
Mais même avec autant de collaborateurs·rices et de temps, l’album a une patte. Celle de son créateur, qui a transformé l’énergie sans filtre – littéralement – de son « Scary Monsters And Nice Sprites » en une aventure plus proche de la garage et du breakbeat. Capable d’absorber plus dans son vortex artistique, le Skrillex de 2023 est le grand frère de Fred again…, est capable de donner vie à des titres aussi dingues que le « XENA » qu’il partage avec la chanteuse Nai Barghouti, ou de rendre Missy Elliott carrément actuelle.
Alors, dubstep is dead ? Au contraire, le brostep de Skrillex, celui dont il a été le porte-étendard pendant des années, est subtilement intégré à l’histoire de la bass music, à tel point qu’un titre comme « Tears » semble tout droit sorti de la meilleure époque de Deep Medi. Il apparaît alors comme ce qu’il a toujours été : un amoureux et un passionné des musiques électroniques. Il les comprend, il les aspire, et maintenant, les inspire. On rêve que la synthèse prenne parce que des sonorités comme celles de « Supersonic (my existence) » auraient été impossibles en 2008, et la preuve, c’est qu’on ne fait pas simplement dans la nostalgie, puisqu’il a été écouté cinquante millions de fois sur Spotify. Si c’est ça la mort, ça va être facile.
Pour boucler le tout, le message apparaît plus clairement que jamais dans le dernier titre du disque : still here. On l’avait bien compris. Skrillex n’est pas un dinosaure dont la gloire ne se perçoit que derrière le rideau, tout influent qu’il est dans le milieu musical. Il est toujours là, et with the ones i came with. Photo de famille, apologie de la bass music, opération coup de poing – Quest For Fire, c’est tout ça à la fois. Voilà tout ce à quoi on a bien eu le temps de penser pendant au moins une journée, quand le lendemain, le 18 février 2023, il a simplement balancé un autre album.