Pyramides
Trouble Over Tokyo
L’Angleterre et son lot de « Next Big Thing » n’en finit pas de faire parler d’elle au travers de ses artistes de tous bords : croisant le fer sur tous les fronts possibles et imaginables, créant des genres musicaux novateurs comme on change de chemise au lever du lit. Pas toujours facile donc de discerner le bon du mauvais dans une telle effervescence des styles, et pourtant certains groupes parviennent encore à marquer le coup sans avoir à se préoccuper d’une éventuelle concurrence. Trouble Over Tokyo fait indéniablement partie de cette maigre tranche de privilégiés, non sans mérite faut-il dire.
Pratiquant une pop lyrique d’une apparence à première vue fluette, transpercée par une armada de cordes translucides et de pianos langoureux, soutenue enfin par une voix aux contours soyeux, Christopher M. Taylor (ou Toph pour les intimes) s’en sort jusque là admirablement bien. Mais ce qui provoque mes présents éloges au sujet de ce « One - Man Band » réside plus dans l’audace du traitement électronique qui accompagne ce projet d’envergure. Oublions dès lors un peu le côté strictement pop organique pour plonger dans cet hybride osé : tout commence dans la légèreté de l’approche, car la présence de beats minimaux, voire de samples millimétrés n’est là que pour sublimer le reste, laissant à l’instrumentation originelle l’occasion de s’exprimer dans la plus grande sérénité. On pensera donc sans surprise à la poésie déchirée de notre ami Thom Yorke, qui avait su manier dans son effort solo le meilleur de ce couple que tout semble éloigner de prime abord. Trouble Over Tokyo a eu cependant l’intelligence de ne pas tomber dans la singerie la plus sordide, se détachant nettement de son compatriote pour habiller son œuvre d’une touche soul salvatrice, étendant ainsi la comparaison à des blockbusters pop (Justin Timberlake en tête), dont la sensibilité à fleur de peau redonne au genre toutes ses lettres de noblesse.
Cette musique est définitivement une question de balance, de partage entre des intérêts divergents, rassemblés avec talent dans des éruptions electro-pop flamboyantes, lumineuses de clarté. Au bout du compte on obtient sans conteste un album facétieux et plein de singularité, qui ne manquera pas de vous faire de l’œil si vos oreilles sont de passage dans le coin. Reste à savoir comment on va appeler ceci outre-Manche. «Indie-Electro », ça vous plaît ?