Puberty 2

Mitski

Dead Oceans – 2016
par Jeff, le 21 juin 2016
8

C’est dingue comme parler de ‘musiques à guitares’ m’emmerde profondément depuis quelques temps, moi qui ai pourtant grandi avec elles, connu mes plus belles émotions à leur contact. 

Je n’irai pas jusqu’à me ranger dans le camp des Stéphane Pauwels de la critique qui prédisent la mort imminente du rock depuis 10 ans, mais j’ai quand même tendance à penser qu’un cycle est en train de se terminer, que dans son acceptation la plus restrictive, le rock a fait le tour de la question, à peu près tout essayé. Il continue de sortir de bons disques, mais ceux-ci renvoient plus souvent aux discographies idéales de leurs géniteurs qu’à de réelles perspectives d’avenir – le plus bel exemple étant probablement le dernier Parquet Courts, pas avare en titres exceptionnels qui me donnent surtout envie de réécouter Marquee Moon, sorti quarante ans plus tôt.

Heureusement que ces dernières années, des artistes sont quand même parvenus à faire avancer lentement le schmilblick. Et Annie Clark aka St. Vincent fait partie de ces gens qu’on ne remerciera jamais assez d’exister. Avec les années, son œuvre a muté vers quelque chose de résolument novateur, vers une musique en prise totale avec la modernité de notre époque. Si on vous parle de la sculpturale Américaine, c’est parce qu’on retrouve un peu de son talent chez Mitski, une New-yorkaise d'adoption (mais née à Tokyo) qui vient de sortir son nouvel album sur Dead Oceans, label texan qui héberge également The Tallest Man On Earh ou Kevin Morby.

Si les comparaisons avec Annie Clark sont inévitables sur nombre de titres de Puberty 2 (à d'autres moments, on pense aussi à Sharon Van Etten, et même à Beth Gibbons en fin de disque), c’est parce qu’on retrouve chez Mitski Miyawaki une liberté totale dans l’écriture, une volonté affirmée de s’affranchir de pas mal de codes propres à son époque, un fort désir de faire bouger les lignes et une envie permanente de mettre nos neurones à contributions – mais sans jamais oublier de faire battre nos petits cœurs, et c’est une précision qui a son importance. Et c’est justement parce qu’elle ressemble un peu à St. Vincent que Mitski ne ressemble finalement à pas grand monde. Un peu rock, un peu folk, un peu pop, mais surtout très Mitski. Et franchement, dans le climat actuel, qu’est-ce que ça fait du bien de se projeter dans l'avenir telle que ce petit bout de femme extrêmement talentueux le conceptualise.

Le goût des autres :
8 Yann