Psychic
Darkside
Par la traversée de sphères éthérées, Nicolas Jaar est parvenu à tranquilliser toutes les attentes qu’avait suscitées la sortie de son premier album Space Is Only Noise, s’immobilisant ainsi sur l’astre de la réussite. Néanmoins, dans son enivrement, notre complice d’écoute chez GMD jugeait avoir réceptionné un « disque rare, mais pas un disque exceptionnel, trop confortable pour ça, trop luxueux, pas assez dark. » Pour sortir de ce confort vers des espaces encore plus profonds et atteindre cette sombre complexité, Jaar rejoint le guitariste Dave Harrington sous l’opportun nom: Darkside. Le duo nous livre son premier album intitulé, non par hasard, Psychic.
En effet, dans son contenu, l’album réfère directement aux méandres de l’esprit. Il traduit ce système nerveux dont la froide tension électrique se réchauffe sous les décharges éclairs qu’échangent les synapses neuronales, bientôt emportées par l’élan des passions: la musique irradie les effluves psychiques. Si le disque produit cette musique, il ne s’écoute pas en tant que tel mais se vit comme une expérience, qu’elle se situe du côté de la création ou de la réception. D’ailleurs, à son sujet, Jaar confie qu’il « aime le terme expérimental. Pas comme une étiquette, mais comme une manière de travailler. »
Harrington n’a pas seulement apporté un soutien à ce travail, mais a effrontément implanté son caractère dans la nébuleuse jaarienne. Les deux psychés se sont par conséquent fondues dans une même musique hybride, incorporant la couleur acoustique aux chromes synthétiques. Se tisse progressivement une immatérielle tapisserie que vient déchirer les chaleureuses notes de guitare. Loin d’une répétitive minimale aux fausses envolées frustrantes ; loin des ébauches atmosphériques qu’institue une génération faussement cérébrale ; loin d’un rock psychédélique aux schèmes superficiellement anarchiques ; Darkside unit sur le même sillon, spirituel et corporel.
Enfin, outre cette dualité, le projet séduira tant les adeptes d’électro que de rock grâce à sa rare finesse d’exécution et son élégante composition. Après que « Heart » a laissé vivre une voluptueuse et ludique guitare, « Paper Trails » s’enchaîne sur un rythme jazzy-blues où cette dernière sanglote joyeusement, avant que « The Only Shrine I’ve Seen » n’entame une fantomatique descente funk. Plus minimal, « Freak, Go Home » propage un groove électrique pour finir sur « Metatron » et sa psyché méditative. Le tout sans aucune redondance, dans le nuage Jaar. Comme on le soupçonnait avec le single épique « Golden Arrow », les titres forment un ensemble dont le sublime de la narration ne peut se distiller que par une écoute intégrale, laquelle implore de ressusciter l’expérience, dès son dernier souffle.