Primary Progressive
Mr. Mitch
Quoiqu'on en dise, la paternité est une chose d'extraordinaire. Certes, cette étape de l'existence entraîne une perte de points de vie supérieure à un festival de Dour au camping avec une bande de sheitans de Charleville-Mézières, mais elle s'accompagne d'une période de béatitude intense qui, soyons francs, vous fait passer pour un paumé absolu aux yeux de vos potes. Cet état de grâce un peu benoîte, on a bien compris que Mr. Mitch était en plein dedans au moment de l'enregistrement de Devout, second album pour Planet Mu censé mettre sa paternité en musique. Un disque creux et peu inspiré, une coquille qu'on aurait qualifiée de vide si elle n'était pleine de guimauve ; bref une réelle déception dans le chef d'un des producteurs les plus inventifs et flexibles du grime. Mais la vie étant par définition une chienne, il n'aura pas fallu longtemps à Miles Mitchell pour revenir sur le plancher des vaches : ce nouvel EP, c'est sa manière à lui de raconter la forme assez vicieuse de sclérose en plaques dont souffre son père. Ainsi, à la chaleur et l'optimisme de Devout, Mr. Mitch oppose une musique pleine de mélancolie et d'idées noires. Et n'ayons pas peur de le claironner : le malheur lui va comme un gant. Tiraillé entre la colère de voir le sort d'acharner sur un être cher et la tristesse de le savoir condamné à une fin tragique, Mr. Mitch nous pond un EP qui couvre un large spectre d'émotions, et bat au rythme de l'humeur d'un producteur que les circonstances transforment, puisqu'il retrouve sur Primary Progressive ces basses qu'il avait abandonnées le temps de donner ses lettres de noblesse à ce que l'on a alors appelé le weightless grime. Jonglant entre house dépressive, dubstep fantomatique (coucou le sample vocal à la Burial sur "Settle") et post-bass music, Mr. Mitch parvient à raconter énormément de choses vraies avec une musique qui ne s'autorise des paroles que sur un titre : "Show Me". Preuve que la douleur qui l'habite est indicible, en somme.