Preternaturals
Grumbling Fur
Ça fait quelques mois que j'ai découvert l'existence de Grumbling Fur au travers de leur Glynnaestra, vanté comme un album de pop expérimentale un peu barrée mais accessible. Il faut dire que le CV de ce duo a de quoi impressionner : Daniel O' Sullivan a joué ou joue pour Guapo, Sun O))), composé et produit pour The Big Pink ou Chrome Hoof notamment, tandis qu'Alexander Tucker a à son crédit quelques albums de folk expérimental sur ATP Recordings (le label de Fuck Buttons et Deerhoof). Indubitablement, il y avait de la matière dans Glynnaestra (qui était déjà leur troisième disque), mais elle n'était pas facile d'accès. Je ne m'attendais en tout cas pas à les voir encore sortir un disque en 2014, et certainement pas un aussi bon.
Parce que si Preternaturals n'est clairement pas un disque formaté, c'est certainement le LP le plus accessible et peut-être le plus abouti de Grumbling Fur. Côté composition, on découvre une richesse dans les accords, dans les structures des morceaux, qui donne une profondeur appréciable aux neuf titres de l'album (dont une intro et deux interludes). Mais c'est dans les arrangements que la paire démontre le mieux son savoir-faire. Cordes, claviers, guitares et samples se mêlent avec grâce et pertinence, pour créer des ambiances planantes, apaisées, mais sans se retirer du monde. Au contraire, la musique de Preternaturals, c'est celle d'un jardin zen dans un centre commercial. Il y a de la vie, ça bouge, mais ça respire aussi. Les voix se rajoutent à cela pour conférer un aspect parfois un peu mystique, trop détaché par moment, mais totalement en ligne avec la direction artistique globale du disque. Le premier vrai morceau (après 30 secondes d'une introduction bruitiste) est une parfaite illustration de l'album, et peut-être le titre plus réussi. "All The Rays" est immédiat, avec un refrain assez catchy, et des arrangements qui évoluent pour éviter l'ennui.
Alors, certes, Preternaturals n'est pas un disque émouvant. La musique ici est plus intellectuelle que sentimentale. Il n'empêche qu'elle est extrêmement plaisante. La preuve qu'on peut être complexe et riche tout en restant agréable à l'oreille. Sur neuf morceaux, il n'y a pas beaucoup de ratage. On pourrait se sentir largué sur "Feet of Clay" et ses sons plus "folk celtique", peut-être que "Secrets of the Earth" et "Mister Skeletons" ne sont pas aussi percutants que les autres titres, mais le "Pluriforms" en conclusion devrait finir de convaincre les plus récalcitrants. D'autant plus que sur l'ensemble, Preternaturals laisse entrevoir des directions créatives si variées (allant de Super Furry Animals à Liars en passant par Anbb ou The Phantom Band) qu'on est en droit d'espérer encore mieux pour les prochains disques. On a hâte !