Posthuman
Harm's Way
Si l’on s’attarde quelques instants sur leur parcours, les Américains de Harm’s Way ont démontré une propension plus qu’intéressante à se renouveler sur chaque album, aptitude plutôt rare dans le milieu hardcore. Débutée en 2006 comme une blague entre amis, l’aventure prend d’abord une tournure old school à la Infest, avant d’évoluer vers un son beatdown pas forcément inédit mais bigrement efficace, marqué par la sortie du titanesque Isolation sur Deathwish. En incorporant avec parcimonie de nouveaux éléments à leur signature sonore, le groupe s’est rapidement imposé à un public amateur de breakdowns dantesques, et sa récente signature sur le géant Metal Blade Records ne vient que confirmer cette ascension.
On pourrait penser que ce quatrième album sera à nouveau l'occasion d'éparpiller l'auditeur avec l'élégance d'une mine antipersonnel. Et si sur Posthuman, les chicagoans continuer de taper comme des brutes sur le même clou, il ont l'intelligence de faire évoluer leur songwriting et d’ajouter à nouveau quelques touches électroniques, déjà entraperçues sur Rust. Sur cet album, et c’est tout à leur honneur, Harm’s Way se défait totalement des gimmicks et pratiques un peu pataudes du hardcore contemporain (gros riff / gros beuglement / gros ralentissement de tempo / gros breakdown) pour proposer de la variété dans l’écriture et la structure. Le résultat? Plus lourd qu’un camion d’enclumes.
On imagine que l’arrivée de deux nouveaux membres (Nick Gauthier à la guitare et Casey Soyk à la basse) n'est pas étrangère à cette évolution. C’est d’autant plus flagrant sur des morceaux comme "Temptation" (coucou la basse accablante) ou le bien nommé "Become A Machine" qui illustrent cette approche plus variée. La seul constante, c'est le chant débordant d’inimitié de cette montagne de muscles qu’est James Pligge, et dont le seul rôle est de nous donner l'impression d'être aussi à l'aise qu'un vegan dans un abattoir. Quant à l’équation hardcore/métal/indus particulièrement évidente sur le précédent album, elle semble cette fois bien digérée, ce qui n’empêche la bande de continuer à disséminer ça et là des ambiances d’usine désaffectée, notamment sur "Call My Name" ou encore sur "The Gift", hommage à peine masqué au géant Godflesh.
En 10 grosses gifles qui te remettent les cervicales en place, Harm’s Way poursuit sa mutation en une implacable machine de guerre et délivre avec Posthuman son album la plus abouti à ce jour. Toujours aussi féroce, le groupe ne se contente plus d'avancer tel une colonne de chars russes à l'assaut d'un bastion de rebelles syriens, mais se montre également capable de fondre sur sa cible avec méthode et précision façon gros drone de ricains. Une œuvre froide, brutale et pessimiste, qui vient renforcer l’idée que ce projet n’a vraiment plus rien d’une blague.