Popular Manipulations
The Districts
A une époque où les carrières se font (et surtout se défont) en moins de temps qu’il n’en faut à ton petit cousin Kevin pour boucler son dépucelage, il est agréable d’observer des trajectoires prendre le temps d’évoluer, de titiller les sommets pour mieux connaître les âffres du creux de la vague histoire de revenir encore plus fort. Dans le cas des Américains de The Districts, les indicateurs ont toujours été au vert, mais il faut dire qu’ils n’ont qu’un album à leur compteur, l'enlevé A Flourish and a Spoil sorti en 2015.
Dans une logique tout ce qu’il y a de plus traditionnelle, le groupe a autant pris le temps de défendre son premier album sur les routes que d’écrire son successeur, qui arrive encore une fois sur Fat Possum Records, qui est au rock alternatif ce que le PS wallon est aux manigances et entourloupes - un gage de qualité. Mais ce qui étonne véritablement avec Popular Manipulations, c’est le bond effectué en termes de maturité. Sur le précédent album, il était assez simple pour les Districts de se cacher derrière une rage post-adolescente qui éclipsait à peu près tout le reste – sauf les qualités intrinsèques du songwriting, encore heureux. Mais contrairement à certains groupes qui, par opportunisme ou par simple incapacité à faire autre chose correctement, se complaisent dans le status quo, les gars de Pennsylvanie ont pris des risques, n’hésitant pas à faire évoluer leur indie rock nerveux vers quelque chose d’un peu plus sensible (mais toujours très puissant et évocateur), qui n’est pas rappeler les débuts de Death Cab For Cutie, qui est à l’indie emo ce que les Balkany sont au système judiciaire français - d'excellent clients. A l’écoute de certains titres, on pense aussi au rock fougueux et dionysiaque de Sunset Rubdown, incroyable groupe canadien mis au frigo depuis 2009 par son cerveau Spencer Krug, actuellement très occupé par le retour imminent de Wolf Parade.
Alors certes, on a encore tendance à faire exister les Districts au travers de la musique d’incontournables hérauts de l’indie nord-américain, mais c’est grâce à des albums comme Popular Manipulations que les Districts seront un jour capable de tracer leur propre voie, d’exister sans devoir convoquer les anciens. Alors, en plus de prendre énormément de plaisir à l’écoute de ce troisième long format, on va surtout le considérer comme une nouvelle étape dans une carrière dont on observe les évolutions avec une curiosité sans cesse renouvelée.