Plekzationz

Nick Edwards

Editions Mego – 2012
par Simon, le 18 octobre 2012
7

Dix-huit années. C’est le temps qu’il a fallu à Nick Edwards pour retenter une aventure musicale sous son vrai nom. Entre une cassette sortie en 1994 et ce Plekzationz, il y a l’équivalent d’une arrivée au sommet de l’adolescence. Le moment de devenir adulte, de poser l’infâme disque de la maturité. Pourtant, tout au long de ces années, Edwards a gagné dans l’ombre une solide réputation entre des disques sortis sur Punch Drunk, Mordant Music ou Perc Trax – principalement sous son pseudo Ekoplekz – l’Anglais s’est imposé comme une figure dans la subversion dub/drone/bass music/indus. Fini de se planquer derrière pseudos et pochettes immondes, Nick Edwards nous apparaît ici le visage peint, sur Editions Mego pour un grand tour d’early electronics passablement expérimental. C’est peut-être pour ça qu’on a du mal à imaginer ce nouvel LP comme autre chose qu’un aboutissement dans sa quête d’identité. Il est difficile de déterminer en quoi sa présence sur Editions Mego tient de sa volonté de se rapprocher des « grands ». Lui qui a tout gagné avec un contenu certes bizarre  mais acceptable pour la secte Resident Advisor, se produire sur le label de Peter Rehberg tient du risque latent. Surtout quand on s’enfonce dans les sphères de la library music et de l’improvisation sur machines.

On prévient tout de suite, Plekzationz est un disque d’apparence difficile, un pur produit de l’industrie musicale oblique. Comme tout grand disque d’improvisation en hardware, ce disque ne connait pas de limite, pas de contours ni de structure calibrée. Il avance à sa manière, au gré des tribulations de quelques machines posées à même la table. Ceci étant dit, nous n’inventerons pas que Plekzationz est un disque sans codes. Au contraire, il en est plein à craquer. Des références plus ou moins dissimulées qui vont des grandes pionnières de l’industrie électronique des 50’s (Daphné Oram, Delia Derbyshire et son BBC Radiophonic Workshop) au krautrock en passant par les techniques sonores empruntées au dub originel (ses échos, ses pédales, sa densité). On pourrait encore citer Throbbing Gristle pour l’ambiance légèrement indus, les films de science-fiction pour la manière incongrue de poser les sons façon DIY. On pourrait en citer encore d’autres. Alors, on se ballade sur ces quatre pistes de quinze minutes comme un on regarde une succession de fresques. Les premières écoutes ne sont pas forcément renversantes, et pourtant l’envie d’y retourner subsiste à chaque fois que l’aventure se termine.

Jusqu’à finalement tomber dans la logique du disque, dans la glorieuse incertitude que représente cette évidente narration. Ce qui était obscur devient alors familier, et les gloses abjectes d’hier font ce nouvel univers qui nous murmure des choses à l’oreille. Très perceptibles cette fois. Les Anglais aiment user et abuser du rewarding listening pour évoquer ces disques chelous qui finissent par devenir tellement le tien qu’ils en deviennent essentiels. Plekzationz fait partie de ses disques à retardement, qui n’a aucune autre limite que celle que tu voudras bien lui donner. Une expérience qui ne se partage pas forcément, ou avec la peur de passer pour un mal compris. Telle est la loi de la musique semi-improvisée. Mais pour être francs, on s’en fout un peu, parce que ça en valait la peine au final.