Plastic Beach

Gorillaz

EMI – 2010
par Julien Gas, le 22 mars 2010
6

Chronique de l'énorme machine Gorillaz, un jour de mars ensoleillé où basses lourdes et refrains envahissent un cerveau au départ plutôt enclin à encenser le cartoon band qui tourne autant dans la tête que sur la platine depuis quelques jours. Un Plastic Beach qui, aussi énigmatique que décevant, emballé et marketé comme un produit Coca-Cola ou un long métrage Disney, débarque avec un plan d'attaque minutieux, un coup de crayon fabuleux et une guest star nommée Willis, pour finir d'enfoncer le clou. Le pitch est simple: il ne reste du groupe que le repoussant Murdoc qui a enregistré le nouveau disque seul, sur une île bourrée de déchets balancés par les humains. Un nouveau cri d'alarme écologique très en vogue et peu original donc pour la troisième plaque du groupe.

Pour commencer, on avait plutôt tendance à ne rien penser du disque, croyant, qu'avec le temps, les trouvailles de Murdoc envahiraient notre cœur, comme avaient pu le faire Gorillaz et Demon Days. Grave erreur. Cette nouvelle plaque va se chercher plus profondément et doit s'écouter et se réécouter là ou la passivité d'une immédiateté pop était de mise sur les précédents chapitres de l'histoire Gorillaz. Bien que beaucoup plus pop et plus fort au niveau visuel et conceptuel (merci Hewlett), le nouveau Gorillaz se veut, musicalement, plus hip-hop et plus sombre, plus sinueux et plus dense que ses prédécesseurs : un skeud terriblement homogène mais paradoxalement moins bien produit.

Des relents nauséabonds de beats 90's parcourent le disque et l'on ne peut que regretter l'époque où Dan The Automator et Danger Mouse tenaient les manettes. Ici, point d'expérimentation bricolo rock'n'roll comme Gorillaz nous y avait habitués mais une production plus lisse et moins percutante. Du lourd et du pataud donc pour ce nouvel opus rempli à ras-bord de featurings aussi remarquables qu'inutiles à énumérer, tant ils sont régulièrement cités ça et là comme des arguments d'une qualité, pourtant absente, du disque. Pour continuer d'asseoir nos dires, on fustigera l'irritable Little Dragon ou l'inutile Mark E Smith,  perdu au milieu d'un track à l'acidité criarde, l'indigeste "Glitter Freeze". Plastic Beach est le disque raté de Gorillaz, celui où les refrains ne feront que stagner quelques minutes dans notre esprit avant de disparaître une fois la musique éteinte. 

Mais ne croyez pas qu'on tire à boulets rouges sur le bébé de Damon Albarn. Comme toujours, le patron de la britpop truffe parcimonieusement l'album  de bonnes chansons et on affichera nos préférences pour le single "Stylo" (surtout pour Bobby Womack qui nous bluffe aussi sur "Cloud of Unknowing"), le remarquable "Rhinestone Eyes" (avec certitude, le meilleur titre de l'album), l'ultra-pop "Superfast Jellyfish" qui, on vous l'assure, réchauffera l'été 2010, le très beau "Broken" ou encore l'énorme et sombre "Sweepstakes", avec ses beats expérimentaux et le flow toujours énorme de Mos Def. Au delà de ça, il ne reste plus grand chose. Plastic Beach n'est fondamentalement pas un disque révolutionnaire, ni même un disque qui marquera son époque. Les tracks cités plus haut sont loin d'être à la hauteur de titres comme "Dracula" ou "Dare" qui ont marqué la carrière du groupe. 

Avec cet album très moyen, Gorillaz trébuche à la troisième marche d'un parcours jusque-là difficilement critiquable. Symbole d'une époque, le groupe aura marqué les esprits par la fabuleuse modernité de ses chansons pop et la pertinence de son approche visuelle. Hewlett et Albarn auront créé un monstre tentaculaire aux traits mangas et à la musique mainstream toujours ambitieuse. Aussi, la relative médiocrité du troisième chapitre n'en est que plus difficile à digérer. Un groupe symbole d'une décennie passée qui, en 2010, descend du trône la tête basse. Murdoc nous souffle alors à l'oreille qu'un nouveau prince nommé Bary est prêt à prendre la place vacante. Espérons qu'il soit à la hauteur...  

Le goût des autres :
7 Soul Brotha 7 Jeff 7 Gwen 7 Laurent 6 Amaury L