Piȼedelula EP
Le Groupe Obscur
Bordel, l'occultiste Aleister Crowley doit sacrément se marrer là où il est. Lui qui de son vivant incarnait l’ésotérisme et l’occulte serait en effet bien amusé de constater la marchandisation de ses sinistres préoccupations. Pourtant à l’époque déjà, l’influence du mage noir perçait les sphères interdites de ses mornes adeptes.
De David Bowie à Jimmy Page, acquéreur du manoir de l’apostat catholique que l’on pourrait quasiment créditer sur IV tant y plane son ombre, en passant par les Beatles qui l'ont introduit sur la pochette la plus fameuse de l’histoire, Crowley peut en effet se vanter d’avoir influencé une belle tripotée d’artistes en quête de subversion, toujours prêts à invoquer le Malin histoire de lui voler quelques bonnes idées. Triste ironie que celle de l’Histoire donc, quand ce qui demeure d’une véritable aura mystique n’est désormais plus qu’un fallacieux argument marketing.
Sauf que la loi du marché est définitivement une bien belle arnaque intellectuelle. C’est en tout cas ce que l’on se dit à la découverte sur nos timelines Facebook du Groupe Obscur, faction rennaise très cliente de rock psyché et de dream pop. Eux dont on s’était néanmoins bien gardés de vous parler après leur session KEXP aux Transmusicales de Rennes, car derrière une esthétique reposant sur le port de costumes et une pochette affichant fièrement cet intérêt pour le mysticisme, Le Groupe Obscur se drape d’à peu près tous les clichés propres à cet univers, à tel point que l’indigestion ne pouvait être passée sous silence.
Plus proche d’un inoffensif Témoin de Jéhovah que de Charles Manson, Le Groupe Obscur se satisfait d’une musique exsangue et de ridicules simagrées, pour mieux se noyer dans une mélasse vaguement aérienne - quand il ne s’évapore pas dans des paroles plus vides de sens qu’une allocution de Marlène Schiappa. En gros, les guitares sont vaporeuses et impalpables, vectrices d’un ennui certain, jusqu’à ce que notre irritabilité se porte sur les vocalises de la chanteuse ("Bonfleau"), puis sur ses paroles absconses, sur ces claviers protoaquatiques ensuite, sur la production offrant plus de reverb que le dernier Brian Jonestown Massacre enfin, jusqu’à gangréner in fine la totalité d’un EP fastidieux, barbant. Bref, une messe noire aussi terrifiante qu’un putain de Scary Movie.
Vous l'avez compris, cet EP du Groupe Obscur nous est resté logé bien en travers de l’oesophage, provoquant d’impétueuses colères à chaque écoute ponctuée de brillants aphorismes genre « Le chaos vaut mieux que le tombeau », de guitares catatoniques et de claviers perchés aussi haut qu’un gratte-ciel de Charleville-Mézières. À trop vouloir renvoyer une image d’artistes à vision quetupeuxpaspiger, le Groupe Obscur semble avoir négligé un petit détail : tout dans sa musique trahit une inéluctable pesanteur, une insaisissable gravité qui leur tire sans cesse le slip ou leur fout des claques qu’ils sont les seuls à ne pas ressentir, histoire de leur rappeler bien gentiment qu’il ne suffit pas d’adopter la rhétorique psychédélique et ses paradigmes pour en posséder l’esprit.