Personality
The Sleepy Jackson
Drôle d'oiseau que ce Luke Steele, la tête pensante de The Sleepy Jackson ! On avait quitté cet Australien en 2003, avec un premier album assez exubérant, Lovers, véritable bric-à-brac musical, qui n'hésitait pas à faire le grand écart entre Smile et OK Computer, au risque de faire fuir les plus patients des popophiles. Trois ans plus tard, revoici notre ami avec un nouvel opus encore une fois complètement barré, ouvertement baroque et miraculeusement réussi.
Intitulé Personality et sous-titré One was a spider, One was a bird, ce nouvel album peut faire penser sur de nombreux points au Six de Mansun. Le packaging de l'édition collector, d'abord, sorte de vieux-faux grimoire, n'est pas sans rappeler la mythique pochette du chef-d'œuvre du groupe de Paul Draper. La jaquette, elle aussi, est pour le moins surchargée et semble témoigner d'un léger culte de la personnalité puisque l'on y voit Luke Steele dans les bras de son double, le tout sur un fond ouvertement kitsch, plumes d'oiseau, chats noirs et pommes rouges à l'appui. Le Marquis de Sade et Winnie l'Ourson ne sont pas loin ! Et quand l'excentricité graphique va de pair avec le bouillonnement musical, on n'est jamais qu'à deux doigts de l'indigestion. Pourtant, comme Six, Personality échappe largement à ce travers.
Musicalement, The Sleepy Jackson sonne beaucoup plus pop que Mansun, mais, au bout du compte, il est bien difficile de faire entrer cet album dans un cadre bien défini, tant ses auteurs se sont échinés à brouiller les pistes. Ainsi, pour le moins variées, les compositions de cet album surproduit oscillent entre la folk ("Miles Away"), la pop californienne ("Work Alone") ou encore les morceaux à la Mercury Rev ("You Needed More"), sans temps mort, dans une éruption harmonique assez déconcertante. Pourtant, ici et là, on se surprend à chopper une ou deux mélodies et, au final, à vraiment accrocher à l'ensemble. La voix agile de Steele est d'ailleurs pour beaucoup dans la réussite de cet album, tant elle parvient à se métamorphoser avec bonheur d'une chanson à l'autre.
En bref, voici, comme son prédécesseur, un album assez difficile à appréhender aux premières écoutes et même encore plus audacieux que Lovers, dans tous les sens du terme, tout en étant lui aussi profondément attachant. A condition, toutefois, de mettre de côté l'esthétique grandiloquente, qui, reconnaissons-le, peut déplaire. Mais que ceux qui en ont assez des dizaines de groupes actuels qui pondent leur garage rock au kilomètre n'hésitent pas à jeter une oreille attentive à ce Personality, qui ne manque ni de charme ni de... personnalité (huh huh).