Personal Record
Eleanor Friedberger
Si il y a bien une critique qu’on n’a jamais pu formuler à l’adresse des Fiery Furnaces, c’est de ne pas avoir d’idées. Le problème, c’est que le binôme composé de Matthew et Eleanor Friedberger a toujours un peu trop bien porté son nom de fourneau incandescent: leurs albums bouillonnaient tellement de trouvailles et de couches qu’encore aujourd’hui et malgré les écoutes répétées et éprouvantes, un disque comme Blueberry Boat (pourtant considéré comme leur meilleur) reste à peu près aussi facile à digérer qu’un milkshake de figues. De fait, pour un peu de légèreté – toutes proportions gardées avec la famille Friedberger -, c’est sur leur EP de 2005 pour Rough Trade qu’il faut se ruer : inventifs et facétieux, les dix titres qui le composent vont à l’essentiel et livrent quelques grands moments de pop indé sans prétentions mais tellement efficace. Un vrai classique qui s’ignore en somme.
Cette efficacité et cette simplicité, Eleanor Friedberger semble en avoir fait un de ses leitmotivs depuis qu’elle a entamé sa carrière en solitaire. Ainsi, après un premier disque solaire et solitaire pour Merge en 2011, la native de l’Illinois remet le couvert, toujours pour Merge, avec un disque tout bêtement intitulé Personal Record. Une quarantaine de minutes pour continuer à rendre un hommage bien appuyé mais tellement élégant à tout un pan de la culture (soft) rock américaine des années 70 – le site du label nous avance les noms de Donovan, Todd Rundgren et Ronnie Lane, sans qu’on ait quelque chose à y redire.
Une quarantaine de minutes où la donzelle ne donne l’impression de ne jamais se prendre le chou. Sûre de son songwriting, sûre de ses capacités vocales, sûre de ses influences. C’est dans cet état de confiance que Eleanor Friedberger avance, semblant se foutre des imperfections de son disque. C’est peut-être même là qu’elle va y tirer toute sa force. Car Personal Record est loin d’être une réussite sur tout la ligne. On peut même penser qu’avec un peu plus de moyens, il aurait pu être énorme. En même temps, le veut-on vraiment ? Car Personal Record est de ces disques qui ne révolutionnent pas une vie, mais qui en facilitent grandement la traversée. Une existence faite de disques indispensables serait, on ne peut en douter, d’un ennui mortel, déchirés que nous serions par d'incessants choix impossibles. Alors c'est vrai, Personal Record n’est peut-être pas un candidat évident lorsqu’on se retrouve paumé devant l’immensité de sa discographie, physique comme virtuelle. Pourtant, chacune de ses écoutes saura se révéler aussi réjouissante que gratifiante.