Personal Best
Traams
Les groupes qui se paient le luxe de laisser filer le temps entre deux albums, ça devient plutôt rare. Et en dehors de quelques mastodontes, on parlerait davantage d’un sabotage en règle plutôt que d’un privilège. Produire vite et régulièrement pour tenter d’occuper un terrain déjà saturé, voilà un peu la norme. En gros, ça décrit bien le début de carrière de Traams avec ses deux albums et une poignée de EP’s en à peine trois ans. Et puis, silence radio.
Sans jamais avoir annoncé sa séparation, le trio anglais a juste appuyé sur pause, avouant aujourd’hui avoir alors perdu toute envie et inspiration suite à la sortie de Modern Dancing en 2015. Et soyons francs, même si nous avions su apprécier leur indie-rock nerveux à sa juste valeur – entre Wire et Sonic Youth pour le dire très et trop vite – leur absence a très vite été comblée par une armada de jeunes loups, énième vague post-punk oblige. Pour revenir à ce qui a été dit plus haut et vu que de toute manière les places au soleil sont rares et chères, ne saluerions-nous pas plutôt l’initiative d’un groupe qui en fait moins dans l’idée de faire mieux ou, mieux encore, ce qu’il lui plait ? Comme souvent, poser la question c’est y répondre.
C’est donc à l'été 2020 que les trois de Chichester se sont remis à jouer ensemble, mais en redistribuant les cartes. Finies les séances à plein volume dans l’esprit classique guitare-basse-batterie, la formation s’adapte à son environnement : confiné et restreint. Ça tombe bien, Adam Stock se détourne de ses fûts en faveur des boites à rythmes et le guitariste-chanteur Stuart Hopkins s’amuse depuis quelques temps à triturer machines et claviers en tous genres. Reste Leigh Padley, fidèle à ses lignes de basse anguleuses. Au final, rien d’hyper surprenant quand on se rappelle les très addictifs passages instrumentaux à la sauce krautrock de titres comme "Head Roll" et '"Klaus" sur Grin en 2014. Krautrock donc, le mot est lâché.
On l’a dit, les couplets-refrains resserrés sur trois minutes appartiennent au passé; place à des ambiances minimalistes et hypnotiques, et donc impossible de ne pas citer Can, La Düsseldorf ou même Kraftwerk comme balises sur des titres comme "Sleeper" ou "Breathe". Des influences digérées par bon nombre de formations anglo-saxonnes depuis que le punk est post et qui fait qu’on pense aussi inévitablement à Joy Division, The Fall ("The Light At Night", sur lequel apparait Joe Casey de Protomartyr) ou encore Suicide par instants. Si tout cela semble fort référencé, Traams écrit bel et bien avec Personal Best une page toute personnelle d’une discographie toujours aussi riche en bonne surprises. Quant à savoir s’il s’agit de sa meilleure, on espère franchement ne pas avoir à trancher dans l’immédiat car on sent un vrai potentiel à aller encore plus loin dans cette voie.