Pays Sauvage
Emily Loizeau
Dans le petit monde grouillant et souvent puant de la nouvelle chanson française, l’arrivée en 2005 du premier album d’Emily Loizeau, L’Autre Bout Du Monde, a été une véritable bouffée d’air frais. Première signature française de l’excellent label Fargo, la jeune femme révélait une personnalité forte, à la fois drôle, touchante et cosmopolite qui détonnait singulièrement en pleine boboïsation du mouvement. Il faut dire que la franco-britannique, nourrie depuis sa plus tendre enfance aussi bien à Brassens qu’à Dylan, se permettait de jongler avec les mots, les langues et les univers quand nombre de ses contemporains avaient du mal à voir plus loin que leur paillasson.
Jusqu’à peu, l’histoire de ce premier album était un conte de fée, combinant à la fois réussite artistique et succès commercial. Puis vint l’épilogue amer, la séparation forcée avec le label parisien qui commençait sérieusement à battre de l’aile financièrement, et le passage sous la coupe de Polydor – division de l’ogre Universal. Est-ce de rentrer dans ce grand cercle trop peu fermé qui a poussé la demoiselle à enregistrer un deuxième album sans concession et touche-à-tout (pour ne pas dire parfois fourre-tout) ? Ou bien Pays Sauvage est-il l’excroissance naturelle d’une artiste qui se cherche autant qu’elle cherche sa place dans le paysage musical français ?
Toujours est-il que ce nouveau disque est assez déconcertant au premier abord. Il y a tout d’abord la voix d’Emily Loizeau, ou plutôt sa manière nouvelle de chanter, plus maniérée, plus nasillarde aussi, appuyant davantage les syllabes – parfois à outrance. Il y a ensuite d’étranges bricolages musicaux, plus curieux qu’efficaces, presque enfantins, à l’image de cette "Dernière Pluie" tiédasse. Et puis il y a ces flirts un peu maladroits avec le gospel ou la world music, ces percussions et ces choeurs qui ne parviennent pas à cacher les carences mélodiques de certaines compositions.
Heureusement, on retrouve également tout ce qui a fait que l’on a aimé Emily Loizeau en premier lieu : l’humour ("La Femme A Barbe", "Coconut Mama"), la féerie ("The Princess And The Toad"), et surtout une émotion à fleur de peau et un vrai sens de la mélodie ("Songes" ou "In Our Dreams", sans doute les deux plus beaux morceaux du disque). Il est en revanche dommage de constater que le très beau casting du disque (Thomas Fersen, Moriarty, David-Ivar Herman Düne, Olivia Ruiz, Jeanne Cherhal, Sébastien Martel…) ressemble plus à de la poudre de perlimpinpin qu’à une véritable potion magique. Car au final, si Pays Sauvage recèle un vrai bel album, il est caché sous trop d'herbes folles pour vraiment donner envie d'être défriché…