Patine
BRNS
La critique est facile, l'art est difficile. Voilà ce que disent parfois certains artistes, et surtout leurs fans, face à des retours pas très positifs de la part de juges forcément injustes. Et c'est vrai que les critiques sont généralement des gens aigris et désabusés qui ne trouvent leur bonheur que dans le malheur des autres, qui n'existent qu'en démolissant ce que d'autres mettent tant d'années, d'énergie et de volonté à construire. Et nous sommes régulièrement les premiers à prendre notre pied en crachant dans la soupe.
Pourtant, il arrive qu'un rayon de soleil traverse un cœur plus noir qu'une nuit sans lune au milieu du désert. Et qu'on s'attache à un artiste qu'on aurait donc envie de défendre. C'est le cas des bruxellois de BRNS. Certes, ils ne sont pas les "nouveaux Radiohead", mais ils dégagent une sincérité, une énergie et une ambition bien trop rares dans le morne paysage pop-rock belge. Tout cela se concrétisant plutôt bien en live, et sur leur EP (Wounded) sorti en 2013. On aurait donc vraiment voulu pouvoir dire du bien de ce disque. Et puis, on l'a écouté. Plusieurs d'entre-nous. Séparément, et sans se concerter. La conclusion était sans appel et (presque) générale : le premier album de BRNS n'est pas très bon. On a bien tenté de se le refiler afin de ne pas prendre la responsabilité d'une bonne critique pas très honnête ou d'une mauvaise critique pas très sympa, mais il a bien fallu se rendre à l'évidence : on n'allait pas pouvoir en dire beaucoup de bien.
Que les choses soient claires, l'album n'est pas un ratage complet, loin de là. Ce qui reste principalement intact, c'est l'ambition. Indubitablement, le groupe a voulu réaliser un grand album. Les structures des morceaux sont complexes et évolutives, mélangeant les styles et les influences tout en ménageant un espace pour créer une identité à leur musique. Oui, on reconnaît un morceau de BRNS facilement, d'autant plus que les arrangements accentuent encore davantage le relief accidenté des compositions : arpèges de guitare et batteries syncopées virevoltent autour d'une voix très identifiable. Malheureusement, ils ont réalisé un album trop grand pour eux.
Car la voix, si elle crée une identité au disque, n'en devient pas moins horripilante sur la moitié des morceaux du disque (la palme revenant à "Omen"). La batterie peine à transformer la richesse des structures rythmiques en énergie, et les ornements de guitare deviennent vite des artefacts plus pénibles qu'intriguants. Si certains y trouveront peut-être leur compte en laissant leur intellect décortiquer le travail accompli, Patine laissera les fans du tubesque "Mexico" sur le carreau, faute de carburant pour transformer les stimulations de notre cerveau en flamme pour réchauffer notre cœur rabougri.
Quelques morceaux s'en sortent mieux, néanmoins. Le premier single "Void", qui ouvre l'album, laisse entrevoir une belle tension sur fond de bruit électrique à la guitare pendant les quatre premières minutes, malheureusement mal conclues par un final pas trop à la hauteur. "My Head is Into You" offre une belle combinaison batterie/voix et une construction un poil plus linéaire qui amène l'auditeur à la conclusion la plus explosive du disque. A côté de ça, "Slow Heart" est un ratage d'autant plus dommage que certains passages laissent imaginer un bon titre de base qui s'est perdu au milieu de triturations inutiles. "Many Chances", malgré quelques passages très réussis, ressemble trop au collage de quatre idées de morceaux mis côte à côte, tandis que "One, Two, Three, Four" tente d'intégrer ce qui s'apparente à l'univers de la chanson enfantine, mais le résultant sonne totalement artificiel, malgré l'utilisation d'une couleur vocale différente. Ne parlons même pas de "Any House" qui résume à lui seul les soucis dans l'album : il vous donnera mal à la tête avant que vous y preniez le moindre plaisir.
Au final, l'histoire de BRNS nous fait penser à celle de Bacon Caravan Creek. Un groupe belge avec un gros potentiel, quelques bons morceaux, des prestations live plutôt appréciées et le soutien de la critique. On espère sincèrement que la conclusion de l'histoire ne sera pas la même, et que ce premier album porteur d'ambitions mal mises en œuvre servira d'engrais à un projet auquel on ne souhaite que du bien.