Passionate and Tragic
Cocaine Piss
Que vous la jugiez aliénante ou complètement déglinguée, la musique de Cocaine Piss a cet avantage stratégique qu’elle ne laisse personne vraiment indifférent. Difficile en effet de faire abstraction des braillements si caractéristiques d'Aurélie Poppins, que certains associent davantage à une gênante cacophonie qu'à une performance vocale digne de ce nom. Pourtant, avec Passionate and Tragic, troisième album à nouveau sorti par l’excellent label flamand Hypertension Records, Cocaine Piss réaffirme son caractère déluré tout en étayant ces nouvelles compositions avec plus de profondeur et quelques variations vocales bienvenues
Comme d’habitude avec Cocaine Piss, pas besoin de branler des manches comme si on jouait à Guitar Hero. Le groupe va toujours à l'essentiel sur ces douze pistes de punk frénétique pour une résultat final qui ne dépasse pas les 22 minutes. Excepté l’étonnant single « Eat The Rich », chanté en français, aucun titre ne se distingue réellement du lot, mais c’est probablement cette cohésion qui rend l’album si digestible. Niveau influences, on peut penser à Dead Kennedys ou aux cinglés japonais de Melt Banana mais se limiter à namedropper quelques belles références serait un tantinet réducteur tant la personnalité flamboyante de Cocaine Piss s’exprime sous différentes facettes.
Au-delà de la production qui lui est à nouveau confiée ici, l’expérience du vénérable Steve Albini semble avoir largement déteint sur le quatuor. Le travail du gourou de Chicago conduit cette fois Cocaine Piss vers des sphères plus noise, sans que la musique ne perde de sa vélocité ou de sa percussion. Les guitares se veulent plus discordantes, le chaos plus intense. Dans l’ensemble, les musiciens conservent leur ligne de conduite bruitiste, tout en amenant de nouvelles idées sur la table. Quant au chant, les détracteurs peuvent de nouveau passer leur chemin, Aurélie Poppins reste au premier plan. Et si sa performance vocale se veut plus surprenante qu'a l'accoutumé, elle prend toujours un malin plaisir à martyriser nos tympans à coups de textes décalés, teintés de dénonciation et d’absurde. À prendre ou à laisser.
Atypique et provocant, Passionate and Tragic n’en reste pas moins aussi débridé que ce à quoi le groupe nous a habitué. L'album se paye aussi le luxe d’agréables moments et d’un tempérament plus affirmé dans la structure des titres qui le composent. L’expérimentation sonore y reste légèrement trop limitée, mais sa concision et son côté sauvage empêcheront sans aucun doute l’auditeur de s’égarer. Et en tendant bien l’oreille, il sera même possible de voir émerger de ce bordel spasmophile un semblant de mélodie. On ne sait pas encore si Cocaine Piss deviendra le nouveau porte-drapeau du punk/noise belge mais il n'y a plus qu'a espérer du groupe qu’il entreprenne une démarche encore plus audacieuse dans ses choix futurs pour, peut-être un jour, outrepasser l’aspect très clivant qui l'entoure.