Passion, Pain & Demon Slayin'
Kid Cudi
Après des années d'errance artistique, de tentatives rock, d'annonces foireuses (l'arlésienne Man On The Moon 3), de drogues et d'allers-retours en centre de désintoxication, Kid Cudi revient à ses premières amours electro-rap avec Passion, Pain & Demon Slayin'. Pour son septième album, il fait appel au producteur de ses débuts, Plain Pat, ainsi qu'à André 3000 et Pharrell Williams, qui viennent redonner quelques couleurs pop à sa musique de dépressif.
2016 aurait pu être l'année du grand retour pour Scott Mescudi : apparition sur l'un des très bons morceaux du Life Of Pablo de son mentor Kanye West, hommages appuyés de la nouvelle génération à son égard (Travis Scott a déclaré que Cudi était son artiste préféré et l'a invité à deux reprises sur son Birds In The Trap Sing Mcknight). Au lieu de ça, l'artiste originaire de Cleveland a fait ce qu'il sait faire de mieux, c'est à dire à peu près n'importe quoi : déclarations à l'encontre de Kanye et Drake, retour au centre de désintox', pour terminer l'année sur un message peu rassurant : "Je ne suis pas en paix. Je ne l'ai jamais été".
Et ça tombe bien, puisque c'est de tout cela qu'il est question sur PP&DS (comme sur l'ensemble de la discographie du Man on the moon cela dit). "Tu peux essayer d'anesthésier la douleur mais elle ne partira jamais" déclare-t-il dès le deuxième morceau de l'album. Pourtant, plutôt que de rester enfermé dans sa tête et singer son idole Kurt Cobain en taquinant la gratte, Scott confie ici les manettes à une équipe de production qui a fait ses preuves : Plain Pat, Mike Dean et Pharrell Williams. Plus deux apparitions du trop rare André 3000. Résultat : l'album convoque le souvenir du pop-rap brillant qui a fait de Cudi l'un des artistes hip-hop incontournables de la fin des années 2000.
Mais il y a plus que ça : les compositeurs parviennent ici à saisir en musique les années de dépression qui se sont écoulées et nimbent l'électro-funk du Kid d'un halo givré. Les couleurs poppy paraissent ainsi délavées, usées, les aigus sifflent et bavent dans le crâne comme un matin de gueule de bois. Dans cet écrin glacial, on redécouvre les qualités de songwriter de Scott Mescudi. Pour preuve, l'excellent "Does It" et ses arrangements en forme de grand huit symphonique.
Après, ça reste du Cudi post-MOTM 2, c'est à dire que c'est boursouflé à souhait et beaucoup trop long. Mais cet album réserve à l'auditeur un peu persévérant des vrais moments de grâce, touchants et justes. Et ceci sans parler des trois bijoux fournis par Pharell Williams, "By Design", le très neptunien dyptique "Flight At First Fight/Designed" et le single "Surfin". Non, vraiment, il faut écouter ce Pain, Passion & Demon Slayin'. C'est important.