Party Store

The Dirtbombs

In The Red – 2011
par Jeff, le 4 février 2011
5

Parmi les galettes attisant le plus notre curiosité en ce début d'année 2011, difficile de ne pas citer ce Party Store. Projet aussi ambitieux qu'alléchant, ils voit les garageux des Dirtbombs délaisser leurs terrains de jeux habituels pour s'attaquer à quelques uns de plus beaux fleurons de la techno de Detroit - ville dont est originaire le groupe. Casse-gueule, l'entreprise l'est pour le moins. Ne serait-ce que parce que s'attaquer à des monuments de la musique électronique tels que « Sharevari », « Good Life » ou « Strings of Life » relève presque de l'inconscience, mais également parce qu'on a un peu de mal à savoir quel public est véritablement touché par ce genre d'initiative. Certes, les fans de garage punk crasseux ET de techno euphorisante existent, mais ils ne sont pas non plus légion. Aussi, il est fort possible que nombre d'auditeurs passent à côté de cet hommage ou, pire encore, écoutent ce disque sans vraiment faire le parallèle nécessaire avec les versions originales, ce qui relève du sacrilège dans le cas présent. En effet, on peine à imaginer ce que seraient aujourd'hui nos nuits si Carl Craig, Kevin Saunderson ou les acharnés d'Underground Resistance n'y étaient pas allé de leur révolution à 140 BPM.

A vrai dire, même si on savait le groupe bourré de talent et ses intentions louables, nous étions au fond de nous convaincus qu'il ne serait pas à la hauteur de la tâche, véritablement titanesque. Et à ce niveau-là, Party Store ne déçoit malheureusement pas. En effet, tant que l'hommage reste poli, comme sur le « Sharevari »de A Number of Names ou le « Jaguar » de Rolando, les Dirtbombs s'en tirent avec les honneurs en collant tant que faire se peut à l'original. Mais à mesure que ce la matière première gagne en complexité, on sent un groupe qui s'emmêle les pinceaux et fait plus de mal que de bien - l'exemple le plus douloureux qu'il nous est donné d'entendre étant probablement le massacre de cette symphonie moderne qu'est le « Strings of Life » de Derrick May. Plus incompréhensible encore est la réinterprétation du « Bug in the Bassbin » du Innerzone Orchestra. De la base « jazz futuriste » concoctée par l'immense Carl Craig, il nous reste sur Party Store une péniblee jam session qui s'étire sur une bonne vingtaine de minutes et qui découragera même les plus curieuses des oreiles. Et à l'écoute de ce massacre en règle, on se demande surtout ce que Carl Craig en personne est venu foutre sur ce morceau, sur lequel il nous sort un grand moment de n'importe quoi aux claviers.

On ne le répètera jamais assez, la critique est aisée mais l'art est difficile, et on se réjouit finalement que des groupes comme les Dirtbombs aient les balloches suffisamment bien accrochées pour se lancer dans un projet comme Party Store. Vu la matière première exploitée, il fallait s'attendre à être jugé avec une rare sévérité, et le résultat étant loin d'être parfait, on pourrait penser à la lecture de ce papier que ce disque est une sombre bouse desservant les intérêts des plus puissants porte-étendards de la Motor City. Il n'en est heureusement rien. On parlera plutôt d'un disque qui aurait pu être énorme, et qui se révèle tout simplement anecdotique...

Le goût des autres :
3 Serge