Parker Street
General Elektriks
Que l'on s'appelle Mike Skinner ou Hervé Salters, le combat est le même: quand le succès vous tombe dessus, difficile de titiller les sommets atteints sur vos premières réalisations. General Elektriks, le one-man band de Salters, avait en l’occurrence bien négocié un premier virage en passant du hip-hop bricolo et génial de Cliquety Kliqk aux arrangements pop gainsbaresques du rafraîchissant Good City For Dreamers, un disque qui a définitivement propulsé le globetrotter Salters sous les feux de la rampe. L'occasion était donc bien trop belle pour Salters : profitant de sa vague de surproductivité, le bonhomme livre un Parker Street qui restera dans les annales comme l'album le plus spontané de General Elektriks - et ce, pour le meilleur comme pour le moins bon.
General Elektriks n'aura jamais aussi peu ressemblé à General Elektriks que sur cette nouvelle livraison : on avait quitté le groupe de RV Salters sur un album qui sentait bon le soutif de ta copine, on le retrouve sur un disque nuageux aux coups de tonnerre mal cachés derrière des martèlements de Clavinet – un comble alors que le premier single portait le nom de « Summer Is Here ». Laissant en effet la parole libre à nombre de ses influences refoulées, Salters distille un songwriting qui se pose, avec ses tempos ralentis et ses thématiques plus personnelles, comme l'anti-Good City For Dreamers. Mais une telle approche ne lui réussit qu'à moitié. A vrai dire, l'album manque cruellement de coups de sang qui sortiraient des bombes complexées de leur format de pistes trop sages et s'imposeraient alors en véritables réussites de l'album. Allez, un mot quand même sur le ragtime en slow-motion de « Quiet Entertainers », bien planqué en toute fin d'album, qui avec autant de simplicité que d’ambiguïté, accouche du plus bouleversant morceau de tout 2011. Rien que ça.
La rupture ne se fait heureusement pas si soudaine, car si General Elektriks sait accoucher de bonnes pop songs qui se sifflent tranquillement, le projet sait aussi être une redoutable machine à danser. Ainsi, on se retient difficilement de jouer les running man sur le buggé « Holding Down The Fort », de faire la folle sur le refrain Mika-esque de «We Ride» ou de se délier les pattes sur le monstrueux « The Spark », monolithe funk à la Sly & The Family Stone dont la mélodie vous reste mieux gravée dans le crane qu'un slogan de pub façon 118-218. Avec ses solos de synthés saturés, ses montées mesurées et sexy et son groove à casser les pattes arrières de votre arrière grand-mère, Salters témoigned'un savoir-faire qui frise l'indécence mais qui peine à trouver sa place dans un tracklisting fourni et un rien trop calme niveau BPM.
Prise de risque pas tout à fait maîtrisée donc pour ce troisième opus de General Elektriks qui, en jouant la carte de l'éclectisme, ne parvient pas à garder en haleine son auditeur sur ces treize titres peut-être pas tout à fait conçus pour se retrouver sur le même album. Reste qu'il serait bien dommage de ne pas laisser ses esgourdes squatter quelques heures durant ce Parker Street aux refrains plus chauds que tous les trottoirs goudronneux de Harlem, qui résonnent comme une énième preuve que Salters s'impose, à l'instar de Money Mark, comme un musicien d'exception qui, à défaut de révolutionner son monde, trace sa route et impose son doigté. Et c'est déjà une bien belle récompense.